Sur le modèle de Mediapart, qui recherche toute femme agressée sexuellement par des personnalités, si possible des hommes blancs de plus de 50 ans, si possible pro-russes ou antivax, si possible patriotes ou céliniens, Libération a lancé une fatwa contre le comédien Philippe Caubère, âgé de 74 ans.
Les faits qui lui sont reprochés datent de dix à quinze ans. Deux femmes ont témoigné à visage découvert dans le journal. Elles étaient jeunes à l’époque, 16 et 17 ans, et ont vécu une relation sexuelle longue avec l’artiste. C’est dans ce cadre qu’elles reprochent aujourd’hui à l’homme de théâtre des violences sexuelles, des viols et surtout une « emprise ».
Rendez-vous est pris le 6 octobre 2010. L’adolescente se rend à l’appartement du comédien, à Saint-Mandé (Val-de-Marne), où il lui parle de son art avant de l’inviter à son spectacle le soir même. Cinq jours plus tard, le 11 octobre, elle retourne chez lui, « rassurée » après leur premier rendez-vous : elle voit en lui un potentiel « mentor » à qui demander conseil. Ce soir-là, après lui avoir « servi des verres de vodka glacée et discuté de théâtre pendant des heures », Caubère « m’embrasse sur son canapé avant de toucher ma poitrine », décrit Agathe Pujol. Quelques jours plus tard, elle le revoit. Il la « pénètre avec ses doigts et [lui] fait un cunnilingus », alors qu’elle est encore mineure : « C’était la première fois que quelqu’un m’embrassait ou me touchait. » S’ensuivent plus de dix ans d’« horreur ». Agathe Pujol accuse Philippe Caubère de l’avoir violée et agressée sexuellement de manière répétée entre 2010 et 2022, de ses 17 à ses 29 ans. Mais aussi de l’avoir « fait violer » pendant des années par des hommes recrutés sur des sites de petites annonces.
Pour ceux qui l’ignorent, Caubère est au théâtre ce que Depardieu est au cinéma, un monstre, et aussi un monstre sexuel, puisque les deux ont pioché dans le vivier de leurs admiratrices pour épancher leur soif d’amour ou de plaisirs. La célébrité, pour les hommes, ça sert aussi à ça. Et ça attire les femmes comme des mouches, des femmes de tous âges.
On va le répéter, plus grand-monde en France n’ignore le prix à payer de ce genre de relation. La jeune fille est subjuguée par la star, elle cherche l’emprise, puis un jour se déprend. Là, elle peut devenir l’amie ou l’ennemie de son formateur, plus souvent l’ennemie, surtout s’il prend une autre jouvencelle sous son aile.
À la même époque dans un cours de théâtre à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), elle croise la route de Théo Arnulf, un ami d’Agathe Pujol, devenu depuis éclairagiste. Quand Pauline lui raconte qu’elle a décroché un rendez-vous avec Caubère, il s’inquiète : « Agathe m’avait raconté ce qui lui était arrivé, alors j’ai tenté de la dissuader d’y aller », explique-t-il à Libération. Mais Pauline Darcel fait confiance à Caubère. Elle l’a tout de suite vu comme « un père spirituel du théâtre qui [le lui] raconterait et [le lui] expliquerait », écrit-elle dans un SMS du 29 février 2012 envoyé à l’acteur. Entre décembre 2011 et mars 2012, il l’« invite au théâtre et chez lui à deux occasions pour parler de sa carrière, sans que rien ne se passe ». Lorsqu’elle le retrouve une nouvelle fois dans son appartement à Saint-Mandé le 1er avril 2012, elle croit là encore à un rendez-vous professionnel. Mais en pleine discussion, il « [l’]embrasse en [lui] saisissant la nuque par surprise », « puis il [l’]emmène dans sa chambre ». Elle ne se souvient plus de ce qui s’est passé ensuite, souffrant d’une « amnésie traumatique ». Elle a 16 ans, lui 61 ans.
Démêler l’amour de la violence sexuelle ?
N’attendez pas de nous que l’on prenne parti pour l’homme ou contre les femmes, par un antiféminisme de bon aloi ou un masculinisme forcené : dans les histoires de cœur et de cul, personne ne sait ce qu’il s’est vraiment passé, même le juge ne le peut pas. Il faudrait sonder les âmes, et les âmes elles-mêmes sont obscures. L’amour peut se mélanger à la haine, le désir au ressentiment, le bonheur au manque, nos grands écrivains ont tous écrit sur la passion dévorante, destructrice, mais qui fait ressentir plus fort la vie. C’est vieux comme le monde, l’histoire de l’homme, de la femme et du démon (ou du serpent).
Et le démon, on peut dire que Caubère l’avait, puisque aujourd’hui, comme Depardieu, il doit se tenir loin des femmes, justice oblige. Là où le bât blesse, c’est quand la presse s’empresse de jouer au juge, se plaçant du côté des victimes apparentes, pour condamner avant même un procès le mâle, qui cumule tous les défauts, ce pousse-au-crime. C’est grossier, manichéen, ça efface toute nuance, mais ça passe, en maccarthysme MeToo. Les petits juges roses doivent cependant se dépêcher, car une vague anti-MeToo commence à traverser l’Atlantique : bientôt, on pourra imaginer des procès inversés.
En attendant, on a lu tous les interminables articles de Libération sur l’affaire Caubère, qui est multiple, puisqu’il a multiplié les femmes et les plaisirs. Si la parole des victimes du monstre est recueillie, il manque un certain recueillement, une pudeur à la fois journalistique et humaine, mais ce sont des mots bannis par la profession, à gauche. Nous avons affaire à un torrent de phrases crues, comme si le défoulement sexuel éditorial allait peser dans la balance de la justice. Tout y est cru, sale, en trois mots porno pas chic, dans un esprit de délation et de destruction propre aux pires collabos. Et on parle des collabos d’aujourd’hui, ces petits soldats du Système qui traquent les résistants pour une piécette, un encart dans la presse, une notoriété sur le Net, un poste de vigile politique dans le SPA, le service public audiovisuel…
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Derrière ces mots et images quasiment pornographiques, il y a deux intentions : salir l’homme, blanchir la femme – or, l’amour physique salit les deux à égalité ! – et surtout, utiliser le prétexte du témoignage victimaire – sans contradiction aucune – pour farcir les pages de sexe, de cul, de baise. Quand Charlie Hebdo, journal virtuellement mort avant sa mort le 7 janvier 2015, n’avait plus rien à dire, coincé qu’il était dans une impasse politique, il trouva la haine des musulmans, les chândalas (les intouchables parce qu’ils touchent les morts) de la population française, pour se refaire une santé morale et financière. Du sionisme raciste avant la lettre.
Libé, pour effacer l’imprescriptible crime de soutien à la pédophilie, a pris aveuglément fait et cause pour des femmes victimes de violences sexuelles, et qu’il faut croire sur parole. Libé joue donc sur deux tableaux, un auto-nettoyage moral depuis la fameuse liste de 1979 (plus les affaires internes de journalistes pédophiles ou complaisants avec la pédophilie), et le défoulement sexuel censé attirer le lecteur, mais surtout la lectrice. Après avoir lu toutes ces pages, on a l’impression de sortir d’un roman érotique, ce qu’on appelle le new adult, et qui cartonne justement chez les femmes.
Sur la tendance des 50 Nuances de gris, l’édition française a foncé sur le créneau du fantasme féminin, qui est à 99 % lié à la soumission, au sexe brut, au sadomasochisme. Mais quand c’est dans la vraie vie, c’est mal, surtout que ce sont les hommes qui commandent. On pousse les femmes aux fantasmes de soumission et de viol, on les publie, on les publicise, on les valide, on les renforce, et quand elles passent à l’acte et que ça dérape, c’est la faute des monstres.
On ne veut pas dire par là que les victimes de Caubère ont lu ces bouquins et sont tombées en dépendance sexuelle, mais souvent amour passionnel rime avec soumission. Dans ces cas extrêmes, l’homme et la femme se polarisent totalement : l’homme devient bourreau absolu, la femme victime absolue, ça fonctionne sur ce registre éternel, et la gauche moralineuse n’y pourra rien. Le mélange entre la complaisance porno et la moraline victimaire est typique de ce genre de dossier, à gauche. Il faut savoir : Libé vend du sexe, c’est même le fond éditorial du journal, qui s’adresse principalement à des jeunes, mais Libé veut aussi vendre le puritanisme féministe. Dans ces articles, les deux se côtoient, se mélangent, mais ne s’assemblent jamais. Il y aurait donc le bon sexe, validé par la presse de gauche, un sexe égalitaire (qui n’existe pas, un fantasme politique) et le mauvais sexe, de droite forcément, discriminatoire, glauque, mauvais, malin, sale.
Pourtant, c’est bien Libé qui a fait un gros dossier sur ça :
Quand ça vient de Libé, c’est bien ; quand ça vient de Caubère, c’est mal. Allez comprendre... À moins que le sexe ne soit devenu un moyen d’abattre des personnalités dérangeantes pour la nouvelle morale mondialiste, une morale à voile et à vapeur.