Mise sous pression par la Commission européenne à cause de sa croissance morose, l’Italie a récemment signé un accord avec Pékin dans le cadre des « nouvelles routes de la soie ». Un geste pris avec beaucoup de scepticisme de la part de Bruxelles. Le journaliste et essayiste Benjamin Masse-Stamberger décrypte la situation pour Sputnik.
Le pays de Dante vient à nouveau de faire un pied de nez à Bruxelles. Malgré les réticences de l’Union européenne, de Washington et de plusieurs pays européens tels que la France et l’Allemagne, l’Italie a signé le 23 mars un protocole d’accord qui scelle son entrée dans les « nouvelles routes de la soie » (NRS), vaste projet d’infrastructures terrestres et maritimes lancé par Pékin en 2013.
Le président chinois Xi Jinping arrive au palais du Quiriniale, à Rome, pour rencontrer son homologue italien Sergio Mattarella. L'Italie est le premier pays du G7 à avoir annoncé son intention de rallier le projet chinois de "nouvelles routes de la soie" #AFP pic.twitter.com/NPWaURJBSw
— Agence France-Presse (@afpfr) 22 mars 2019
Si l’accord est « non contraignant » et moins important que prévu, il représente une première pour un pays membre du G7. Et les réactions ne se sont pas fait attendre. Emmanuel Macron s’est dit sceptique. La chancelière allemande Angela Merkel avait, elle, appelé à une action européenne « uniforme » face à la Chine.
Les ports italiens au centre des débats
Concrètement, le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte et le président chinois Xi Jinping ont signé 29 contrats ou protocoles d’accord. D’après Rome, le montant se chiffre à « 2,5 milliards d’euros et un potentiel total de 20 milliards ». Selon un article publié sur le site Upply par la docteure en sciences politiques, Ganyi Zhang, les objectifs diffèrent pour les deux parties :
« La motivation de l’Italie est claire : le pays souhaite avoir un meilleur accès au marché chinois, et stimuler son économie, qui peine ces dernières années. Selon un discours donné par Giovanni Tria, ministre de l’Économie et des Finances, l’Italie participe à la NRS en s’impliquant sur trois piliers : participer à des projets d’infrastructures, augmenter la capacité des ports italiens et exporter des produits italiens vers les marchés émergents le long de la NRS. Pour les investisseurs chinois, l’intérêt majeur de cette collaboration est sans doute le deuxième pilier : les ports italiens. Ils donnent à la Chine un accès exceptionnel au continent européen et à la zone Méditerranée. Selon le communiqué de presse commun, la Chine espère relier la NRS au réseau transeuropéen de transport (RTE-T) pour accéder à un réseau de transport important. À l’heure actuelle, les trois ports italiens les plus importants en termes d’échanges avec la Chine sont La Spezia (1er), Trieste (2e) et Gênes (3e), tous trois proches de la zone industrielle du nord de l’Italie. »
C’est l’accès de la Chine à ces ports qui inquiètent notamment les détracteurs de l’accord. L’Italie jouera-t-elle le cheval de Troie pour la Chine ? « Il y a effectivement des raisons de s’inquiéter. Projet de conception chinoise, les "nouvelles routes de la soie" visent à intégrer encore davantage la Chine dans le jeu mondial en bâtissant des infrastructures ferroviaires et routières à travers le continent eurasiatique mais aussi des liaisons maritimes impliquant l’Afrique, via la Méditerranée et l’Océan Indien », écrit le journaliste Daniel Vigneron sur le site My Europ.