Les avocats ont une réputation très douteuse. Depuis la nuit des temps, on les a considérés comme des pourritures ; au mieux comme des escrocs ; les juges comme des tyrans despotiques ou pire. Il y a un demi-millénaire, maître François Rabelais disait : « Misère est compagne de procès », et « il n’y a pas de cause si mauvaise qu’elle ne puisse se trouver un avocat, sans quoi il n’y aurait pas de procès au monde ». Les juges étaient encore plus mal considérés : le meilleur juge est celui qui tranche par tirage au sort, ajoutait l’écrivain de la Renaissance. Pourtant, à son époque, la profession représentait une menace pour les personnes privées, mais pas pour le royaume tout entier ou pour l’ordre des choses. Les juges sont extrêmement conservateurs, généralisait Vladimir Ilitch Lénine, qui était lui-même juriste par son éducation, au début du XXe siècle.
Et voilà qu’ils ne sont plus conservateurs du tout ; ils sont pleins de zèle pour remodeler le monde. Les États-Unis ont été le premier pays au monde (et pendant longtemps le seul) à faire des pourritures d’hier une menace puissante pour le sens commun et pour l’ordre des choses. L’establishment judiciaire est omnipotent dans la « Ville de lumière sur la colline », Washington. Ils ont tué l’industrie du tabac par une décision unique, en ordonnant à des producteurs d’herbe de payer des milliards à des gens qui jouissaient de leur douce fumée relaxante ; ils ont ruiné la Palestine en ordonnant à ses habitants et aux Iraniens de payer des milliards aux juifs qui les combattaient. Ils peuvent décider que l’avortement ou le mariage gay sont des droits universels, alors que l’éducation libre et l’accès à la santé n’en sont plus. Ils peuvent interdire d’arrêter une invasion étrangère, mais permettre l’appauvrissement des citoyens autochtones. Il n’y a jamais eu un roi aussi puissant que les gens de robe aux États-Unis. La procédure de destitution du président Trump est une tentative pour déloger un président légalement élu par des méthodes quasi légales. Si les opposants à Trump faisaient confiance aux électeurs américains, ils ne bricoleraient pas une pareille mascarade. Mais ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner ; c’est la raison pour laquelle ils veulent chasser Trump en le poursuivant pour des crimes supposés. Dans bien des pays, les dirigeants peuvent subir des procès et affronter la prison, généralement sur la base d’accusations sans fondement sérieux de corruption. Si, par le passé, ils étaient rares, les chefs d’État qui atterrissaient en prison, à moins d’un coup d’État victorieux ou d’une défaite militaire, se font maintenant arrêter et juger à la moindre occasion pour désobéissance aux injonctions de l’État profond, par-dessus le marché. La liste des chefs de gouvernement qui ont atterri en prison, sur Wikipédia, est un article saugrenu mais fort utile.
C’est une façon de leur rappeler que les élections ne sont pas la chose la plus importante ; il faut aussi qu’ils agissent en accord avec la volonté de l’establishment, national et occidental. Si les populistes font ce que le peuple souhaite sans tenir compte de la volonté de l’establishment, ils peuvent parfaitement finir au trou, comme les présidents du Brésil et de l’Argentine. « Personne n’est au-dessus des lois » s’écrient les juges quand ils envoient encore un dirigeant en taule ; et ils ajoutent : « c’est la loi qui prime ! »
C’est malheureux à dire, mais l’empire de la loi n’est pas une merveilleuse conquête. Nous avons le choix entre vouloir la démocratie, ou opter pour le joug de la loi. Ces deux régimes ne se superposent pas, ils s’opposent frontalement. Dans une démocratie, le peuple gouverne à travers ses représentants élus ; sous le règne du pouvoir judiciaire, ceux qui font la loi, ce sont les juges qui constituent la Cour suprême. Certes, la noble loi existe, mais les juges l’interprètent à leur convenance. Ils peuvent vider une loi de son sens, ou la réinterpréter dans une veine entièrement différente.
Cette nouvelle tendance à se servir de la loi comme d’un outil politique est un cadeau des juifs à l’humanité, qu’ils plongent dans la perplexité. Traditionnellement, les juifs étaient régis par des sages, ou des juges. Théoriquement, les sages talmudistes interprétaient la Loi selon la Halakha, mais en fait la loi de la Halakha, c’était le gouvernement par les sages, et les Lumières avaient brisé cette poigne de fer [qui pesait sur les juifs]. Les juifs ont été libérés, mais cette liberté n’a pas duré. À mesure que le monde se judaïse, les « sages » s’emparent du pouvoir décisionnaire dans le monde entier.
En Angleterre, la Cour suprême a été instaurée à une date récente, en 2009, et elle a déjà empêché le Premier ministre Johnson de concrétiser le Brexit dans les temps. Aux États-Unis, avec leur judaïsation très avancée, la Cour suprême a bloqué chaque initiative du président Trump. La vieille sorcière Ruth Bader Ginsburg, qui n’a été élue par personne, est encore plus puissante que le président américain. L’establishment judiciaire, soutenu par les médias, peut vider de leur sens les élections.
Ces deux pouvoirs non élus et non démocratiques que sont les médias et la sphère judiciaire se sont mis à conspirer contre le Parlement élu et contre le gouvernement.
Dans l’État juif plus petit qu’est Israël, les juges veulent gouverner. Ils pensent qu’ils sont bien placés pour savoir ce qu’il faudrait faire, bien mieux que les hommes d’État élus ; et ils estiment que Netanyahou est trop indépendant. Il est trop amical avec Donald Trump et même (ô mon Dieu) avec M. Poutine. Netanyahou a élargi sa propre base électorale, il n’obéit plus aux vieilles élites. Depuis ces dernières années, ils essayent de chasser Bibi et de lui substituer un politicien plus maniable, comme ils l’avaient fait jadis avec Ehud Olmert. Ehud Olmert n’avait pas la moindre chance de s’en tirer. Chaque jour, les journaux et les chaînes de télévision répandaient de nouvelles accusations contre lui et faisaient connaître de nouvelles enquêtes de police. Souvent, le public israélien avait vent de méfaits supposés d’Olmert avant l’intéressé. La police ne se bornait pas à faire fuiter les détails de l’affaire, elle les répandait comme un torrent tropical. La police le recherchait ; la Cour suprême commença à délibérer, tandis que les journaux et la télé lâchaient des ragots disproportionnés. Aussi deux puissances de la politique israélienne, médias et système judiciaire, se sont unis dans un seul effort pour le déloger, et il s’est effondré. Cet épisode nous a montré qui gouverne vraiment en Israël. Tandis que les médias amplifient, les juges ... jugent.
C’est au tour de Netanyahou de connaître le même traitement. La police livre des récits horrifiques qui sortent d’une cellule d’investigation à un journaliste choisi, et il va se charger d’en inonder les médias. Chaque fois que Bibi a demandé que soient rendues publiques des accusations et à ce qu’on lui permette de se défendre lui-même ouvertement, le procureur général le lui a refusé, en disant qu’il ne veut pas d’un procès médiatique, alors que c’est exactement ce qu’il met en œuvre.
Il est difficile de sympathiser avec le criminel de guerre Netanyahou ; mais il a un atout : il a été élu, alors que ses opposants sont des gens nommés à leur poste. Olmert a fini en taule, et ils veulent y expédier Netanyahou aussi. Non pas pour avoir fait assassiner des milliers de Palestiniens, ni pour avoir fait démolir des milliers de logements, mais pour quelque chose de technique, comme le stupide quiproquo qui est à l’origine de la procédure contre Trump. L’idée était que son électorat le laisserait tomber s’ils le voyait inculpé pour des délits graves. Mais ils n’avaient pas assez de matière à se mettre sous la dent ; jusqu’au jour où ils ont obtenu des aveux de sous-fifres de Netanyahou.
La semaine dernière le ministre de la Justice israélien a choqué le public. Il a révélé les méthodes utilisées par l’establishment judiciaire contre Netanyahou. Ces méthodes sont étrangement semblables à celles qu’applique l’État profond contre le président Trump. Des menaces, de la diffamation et de l’extorsion de fonds. La police israélienne s’en est prise aux assistants de Bibi comme les ennemis de Trump ont attaqué Manafort, Cohen et Stone.
Quand un journaliste d’investigation a voulu publier comment les confessions avaient été extorquées à l’homme de confiance de Bibi, les autorités judiciaires l’ont immédiatement fait taire.
Les Israéliens sont prompts à mettre sous le boisseau la publication de n’importe quoi qui déplaît aux autorités. C’est seulement après bien des années que la population israélienne a appris que ses autorités avaient volé leurs enfants aux juifs du Yémen, traité les maladies de peau des enfants marocains avec des rayons X mortels, stérilisé les femmes éthiopiennes, fait sauter des synagogues à Bagdad, kidnappé le technicien nucléaire Vanunu à Rome, bombardé l’USS Liberty et empoisonné l’eau potable à Acre. Tous ces crimes ont été protégés par une consigne de silence pour éloigner les regards indiscrets.
Il y a une option nucléaire, un moyen de lever l’interdit. Un membre de la Knesset (le Parlement) n’est pas tenu de se conformer à l’omerta des médias.Il peut parler depuis la tribune et dire tout ce qu’il veut, après quoi les journaux peuvent imprimer son discours. C’est de cette façon que nous avons découvert le massacre de Kafr Qassem (l’ordre d’étouffer la chose a été bafoué par le député communiste MK Tawfik Toubi ) et là le monde entier a découvert ce village palestinien qui avait été encerclé et décimé par les soldats juifs en 1956.
L’option nucléaire a été actionnée par le ministre de la Justice Ohan. Il a informé la Knesset et le public israélien que la police avait traîné l’homme de confiance de Bibi en prison en le forçant à confirmer leur version des faits. Pendant deux semaines il est resté en suspens sans explication, jusqu’au jour où ils ont amené sa maîtresse à la prison. « C’est la fin de ta vie de famille paisible », lui ont-ils dit. « Nous allons montrer ta maîtresse à ta femme. » Après quoi, ils l’ont emmené vers une destination inconnue où les protocoles n’étaient pas respectés. Puis, quand il est revenu, l’assistant a « tout avoué ». Ses « révélations » lui avaient été dictées, puis livrées à la presse.
La presse libérale de gauche se retrouvait unie dans la condamnation - non pas de la police pour ses méthodes prohibées - mais du ministre de la Justice qui avait osé mettre en pièces le blackout médiatique.
C’est une erreur : la droite comme la gauche devraient défendre la souveraineté et la démocratie au lieu de permettre à la caste judiciaire de prendre des décisions importantes. Laissez les politiciens élus décider, et les juges devraient se borner à traiter les affaires non politiques.
La vraie gauche et la vraie droite sont encore plus semblables l’une de l’autre, parce que ces mouvements ont leur assise dans la volonté populaire. Ils recherchent l’approbation du peuple ; ils essaient d’attirer le peuple de leur côté. Même les mouvements politiques les plus extrémistes, des communistes jusqu’aux fascistes, continuent à se tourner vers le peuple pour leur demander de les mandater. En profondeur, ils sont démocratiques, car ils croient à la loi de la majorité. Les gens de robe non.
Le parti travailliste anglais a fait la même erreur de jugement. Ils se sont réjouis comme des enfants lorsque la Cour suprême est passée par-dessus la décision de Boris Johnson. La prochaine fois, si Jeremy Corbyn venait à décider de faire sortir l’Angleterre de l’OTAN, la Cour suprême passerait sûrement outre. Il est facile de perdre son pouvoir, et bien difficile de le recouvrer.
Les gens aiment prendre des revanches, mais je vais vous dire : les hommes d’État devraient avoir l’immunité face à la justice, à vie. Le moyen normal de leur retirer leur siège, c’est d’en élire d’autres à leur place. Les recours judiciaires n’en sont pas, il s’agit d’assauts contre la démocratie. Et même après que leur mandat expire, les hommes d’État devraient continuer à jouir de l’immunité. Autrement, ils vont chercher à se conformer à l’agenda des hommes de loi plus qu’à servir la nation. Je regrette le sort de Milošević et de Saddam Hussein ; leurs procès étaient des mascarades de justice. Ils n’étaient pas pires, seulement moins chanceux que Tony Blair ou Bill Clinton. Et cela vaut pour Donald Trump et pour Bibi Netanyahou aussi. Ce ne sont pas des anges, loin de là ; mais ils ont été élus par leurs nations et devraient rester intouchables. Que l’histoire les juge, pas les gens du prétoire.
Pour les magistrats, les Américains feraient bien de leur retirer leurs pouvoirs. Et peut-être que Denis Diderot avait raison, et que l’homme ne sera pas libre tant que le dernier avocat n’aura pas été pendu avec les tripes du dernier banquier.