Plus de neuf mois après le déclenchement de l’opération de sécurité intérieure Sentinelle, l’Armée de terre se cherche toujours un rôle sur le territoire national (le TN comme disent les terriens), susceptible de justifier l’augmentation des effectifs de la Force opérationnelle terrestre.
Des études sont en cours, notamment dans le cadre du Secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et un corps de doctrine, précisant enfin les choses, pourrait être rendu public en janvier. Un an après les attentats.
Pour l’heure, il faut se contenter des pistes ouvertes par le chef d’état-major de l’Armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser (sur la photo), lors de son audition à l’Assemblée nationale. On y trouve plus de questions que de réponses, mais une phrase retient l’attention, lorsque le Cemat cite « les atouts importants » de l’Armée de terre : « la capacité de travailler jour et nuit, une grande mobilité, un savoir-faire en matière de renseignement – tant humain que via des drones ».
« Un savoir-faire en matière de renseignement humain » ? Si nous comprenions bien, l’Armée de terre propose que ses hommes participe à des opérations de renseignement humain sur le territoire national, concernant donc des citoyens français. Est-ce bien raisonnable ?
A juste titre, le Cemat reconnait que pour définir les nouvelles missions de son armée dans ce qu’il appelle désormais « la défense de l’arrière » « la marge de manœuvre est réduite car nous ne voulons devenir ni une force de sécurité démarquée, ni des auxiliaires d’une force de sécurité ». Cette « posture de protection terrestre » (PPT) pose de nombreux problèmes. Contrairement aux postures permanentes de sûreté (PPS) de l’Armée de l’air et de la Marine, cette PPT ne peut que se dérouler dans un milieu très particulier, c’est-à-dire « au cœur des populations », en l’occurrence française. D’où de sérieuses difficultés juridiques et administratives. Les militaires de l’Armée de terre n’ont ainsi aucun pouvoir de police, notamment judiciaire. L’état-major a renoncé à l’idée un temps caressée d’une évolution sur ce sujet. Il existe déjà des militaires dotés de pouvoirs judiciaires : ce sont les gendarmes !
Autre sujet : sous quelle chaîne de responsabilité les militaires doivent-ils opérer ? Lors de son audition à l’Assemblée, le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, l’a rappelé : « Le rôle du préfet est bien sûr primordial ». Les militaires sur le territoire national, qui agissent aujourd’hui dans le cadre de « réquisitions » préfectorales, vont-ils prendre leurs ordres auprès des préfets et non de leur propre chaîne hiérarchique ? En cas d’incident grave, qui donnerait les ordres, le colonel ou le préfet ?