Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) ont appelé mercredi 29 juin l’Assemblé générale de l’ONU à suspendre « immédiatement » l’Arabie saoudite du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en raison de graves violations des droits de l’homme.
« L’Arabie saoudite a commis des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme lorsqu’elle était un membre du Conseil, et a profité de sa position au Conseil pour se protéger, esquivant toute responsabilité pour ses violations au Yémen », ont écrit les deux organisations dans une lettre conjointe.
Faisant cette annonce lors d’une conférence de presse à New York, elles ont mentionné les actions de la coalition menée par Riyad dans le conflit au Yémen qui a fait de nombreuses victimes parmi les civils.
L’Arabie saoudite intervient au Yémen depuis 2015 en soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi, poussé à l’exil par des rebelles chiites soutenus par l’Iran et qui contrôlent la capitale, Sanaa.
Les deux organisations ont indiqué avoir documenté « 69 frappes aériennes illégales menées par la coalition, et dont certaines peuvent constituer des crimes de guerre ». Ces frappes ont touché au moins 913 civils, ciblant maisons, marchés, hôpitaux, écoles et mosquées.
Les ONG ont souligné que la coalition menée par l’Arabie saoudite aurait utilisé des armes à sous-munitions – internationalement interdites – dans 19 frappes, dont certaines auraient ciblé des zones civiles. Au total, la guerre au Yémen a fait, selon l’ONU, plus de 6 400 morts et 30 000 blessés, dont de nombreux civils.
En mars, le commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, le saoudien Zeid Ra’ad Al-Hussein, avait affirmé que la coalition était responsable de la plupart des victimes civiles au Yémen. Mais la coalition a toujours affirmé ne pas prendre les civils pour cibles, utiliser des armes de précision et veiller à ce que la population ne soit pas touchée.
Les possibles crimes de guerre de la coalition au Yémen devraient faire l’objet d’une enquête du Conseil des droits de l’homme, a estimé Richard Bennett, directeur d’Amnesty auprès de l’ONU. « Au lieu de cela, l’Arabie saoudite a cyniquement utilisé le Conseil pour empêcher une résolution permettant une enquête internationale », a-t-il affirmé.
Amnesty accuse aussi le royaume de mener une répression brutale des opposants politiques et d’appliquer la peine capitale pour des crimes qui ne le méritent pas selon la législation internationale. Depuis 2013, les principaux défenseurs des droits de l’homme, dans le royaume, ont été jetés en prison, menacés ou ont dû s’exiler, affirme en outre Richard Bennett.
Promettant qu’elles allaient faire pression sur l’Assemblée générale afin d’obtenir un vote pour suspendre Riyad jusqu’à ce que soit mis un terme à ses « attaques illégales » au Yémen et que soit menée une enquête sur tous les cas des violations présumées de droits de l’homme ou que Riyad tombe d’accord pour coopérer avec une enquête internationale indépendant et impartiale. Les ONG ont estimé que cela serait difficile.
Il faudrait une majorité des deux-tiers pour suspendre Riyad du Conseil, ce qui parait improbable aux diplomates de l’ONU. « Depuis plusieurs mois, l’Arabie saoudite a dépassé la mesure et n’est plus digne de siéger au Conseil », estime cependant Philippe Bolopion, directeur adjoint de HRW.
Depuis la création du Conseil, basé à Genève, seule la Libye a été suspendue, en 2011, pour protester contre la répression des opposants par Mouammar Kadhafi. L’Arabie saoudite est l’un des 47 membres du Conseil.