La chancelière Angela Merkel a déclaré que l’Allemagne allait dépasser de plusieurs milliards le budget militaire initialement prévu. Cela vient en réponse aux critiques émanant des États-Unis à propos des membres de l’OTAN qui ne contribuent pas suffisamment à la défense commune.
Les contribuables allemands vont être amenés à dépenser plus, beaucoup plus, pour financer l’armée du pays, la Bundeswehr. Tel fut le message d’Angela Merkel a la conférence des jeunes conservateurs ce weekend dans la ville de Paderborn.
Merkel a expliqué aux représentants de son parti de l’Union de la jeunesse démocratique chrétienne que l’Allemagne allait augmenter ses dépenses militaires à hauteur de 2% du produit intérieur brut (PIB), en respect des accords signés par les pays membres de l’OTAN en 2014. Le pays dépense pour le moment 1,2% de son PIB pour la Bundeswehr.
« Au cours du 21ème siècle, nous ne recevrons pas autant d’aide que nous en avons reçu au 20ème », a déclaré Merkel. « Nous avons besoin de considérablement augmenter le budget de la Bundeswher pour passer de 1,2 à 2%. »
Pour atteindre cet objectif, le budget de la défense allemande devra augmenter de 60 milliards d’euros (65,8 milliards de dollars). Le budget militaire actuel pour l’année 2020 est de 39,2 milliards d’euros.
Merkel s’est justifiée en évoquant des pressions de la part du président américain Barack Obama.
Selon le Center for American Progress, les États-Unis ont dépensé plus de 600 milliards de dollars (550 milliards d’euros, soit 3,4% de leur PIB estimé à 17 947 milliards de dollars (16 451 milliards d’euros) pour leur défense en 2015. Il y a beaucoup de critiques de la part du monde politique, y compris du candidat républicain Donald Trump, mais aussi de l’ancien candidat démocrate Bernie Sanders, à propos de ces dépenses, estimant que la part laissée aux seuls États-Unis était trop importante par rapport à celle de ses alliés de l’OTAN pour leur défense commune.
Est-ce que les États membres de l’OTAN profitent, ou selon Obama lui-même, sont protégés gratuitement par les énormes dépenses militaires de Washington ? La réponse n’est pas claire.
Question de perspective
Les contributions des membres de l’OTAN sont calculées en fonction de leur PIB. En ce moment les USA payent environ 22% des coûts de l’OTAN, comparés aux 15% de l’Allemagne, 11% de la France et 10% pour le Royaume-Uni.
Selon les chiffres officiels de la Maison Blanche, les États-Unis contribuent à hauteur de 685 millions de dollars (624 millions d’euros) au budget commun de 2,8 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) de l’OTAN. Mais des informations récentes du département de la Défense indiquent que les États-Unis ont, comme à leur habitude, dépensé moins de 500 millions de dollars (456 millions d’euros) pour financer l’OTAN chaque année.
Les membres de l’OTAN paient les États-Unis afin que ceux-ci maintiennent des bases militaires sur leur sol. Et les sociétés privées d’armement américaines, qui sont les premiers bénéficiaires des dépenses militaires de l’organisation, sont aussi les premières à faire pression sur les alliés de Washington afin que ceux-ci accroissent leurs dépenses militaires. Donc, de l’argent revient tout de même dans l’économie américaine.
D’un autre côté, lors d’un sommet de l’OTAN en juillet, le secrétaire général Jens Stoltenberg a déclaré que la mission de l’alliance en Afghanistan a couté à peu près 5 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) par an, dont 3,5 milliards de dollars (3.1 milliards d’euros) sont venus des seuls États-Unis. Mais aussi qu’environ les trois quarts des troupes de l’OTAN sur place étaient Américaines. La Maison Blanche a déclaré que les États-Unis financent autour de 40% du coût de maintenance des AWACS [systèmes de surveillance aéroportée, NDLR] de l’OTAN et de l’acquisition du système de surveillance au sol de l’alliance.
Combinés avec les pourcentages respectifs du PIB dépensés pour la Défense, ces chiffres suggèrent qu’il y a une grande différence de contribution entre ce que les États Unis dépensent pour la défense commune et leurs alliés. Et il existe un consensus général pour que la situation change, pour le plus grand bonheur des fabricants d’armes.
« Les nations qui font partie de l’OTAN sont supposées consacrer 2% de leur PIB aux dépenses militaires », a déclaré Dick Cody, le vice-président de l’un des principaux fabricants d’armes américains « L3 communications », lors d’une réunion des actionnaires en décembre dernier. « Nous n’avons pas encore vu les budgets, mais savons que les augmentations arrivent et nous sommes préparés pour cela. »
Coalition de l’opposition
Parmi les dirigeants des pays membres de l’OTAN, Merkel a été particulièrement assidue à pousser pour une augmentation des dépenses militaires. Les positions de la chancelière à Paderborn se sont fait l’écho de beaucoup de ses déclarations de l’été dernier.
Mais l’opposition politique en Allemagne n’est pas d’accord avec la perspective d’importantes augmentations des dépenses militaires. Et les partenaires de Merkel au gouvernement et dans sa coalition, les sociaux-démocrates du SPD, ne sont guère plus enthousiastes, se remémorant la guerre froide. « Nous sommes retombés dans la logique du temps de ma jeunesse, où la seule question était de savoir qui allait dépenser le plus d’argent pour s’armer », a déclaré le président du SPD Sigmar Gabriel en Juin dernier. D’autres leaders du SPD dénoncent ce qu’ils appellent des « rodomontades de l’OTAN ».
Mais avec le malaise autour des intentions du Kremlin depuis l’annexion de la Crimée, il existe un soutien populaire allemand pour renforcer la Bundeswehr. Lors d’un sondage effectué en décembre 2015, 56% des personnes interrogées sont favorables à l’accroissement de l’appareil militaire allemand, au contraire de 30% qui en rejettent l’idée.
Merkel a réussi à augmenter le budget de la Bundeswehr de 1,2 milliards d’euros (1,3 milliards de dollars) entre 2015 et 2016, l’Allemagne va donc dépenser 35 milliards d’euros (38 milliards de dollars) pour la défense cette année. Mais beaucoup plus d’argent devra rapidement être investi dans ce cadre si l’Allemagne souhaite se conformer aux critères de l’OTAN.