Mardi 12 novembre 2019, Paris, métro Nation, ligne 6, 19h20.
Nous sommes au lendemain des commémorations du 11 Novembre et la veille du quatrième anniversaire de l’attentat du Bataclan. La rame de métro arrive, je rentre dans le wagon le plus proche et attends le départ pour rejoindre deux amis.
J’assiste alors à un échange tendu entre une jeune femme et un type dont je ne reconnais que trop bien l’intonation de racaille. Je ne vois pas la scène car elle a lieu derrière moi, mais je l’entends.
La jeune femme (gentiment) :
« Vous pourriez vous excuser quand même, Monsieur… »
La racaille (qui s’énerve déjà) :
« Kwo ? Kwo ? Pourkwo ? »
La jeune femme (toujours gentiment) :
« Vous m’avez bousculée… »
La racaille (hausse le ton, devient menaçant) :
« Kwo ? Kwo ? J’ai rien fait ! T’es malade ou kwo ? »
Et il l’insulte juste après, dans des termes que je ne répéterai pas ici.
Mon sang ne fait qu’un tour, ma réaction est instinctive. Je me lève et me rue littéralement sur lui : il est de profil, debout face à la jeune femme assise sur un strapontin, capuche sur la tête. Prêt à en découdre, je le chope par le colbac et le pousse brutalement hors de la rame. Putain, ça fait du bien !
Moi :
« Je vais t’apprendre à respecter les femmes, espèce d’ordure ! »
Sidération dans le wagon ! C’est la première fois que je fais ça, je suis moi-même un peu perturbé. La racaille remonte dans le métro, je vois son visage pour la première fois. Ce n’est pas un Asiatique, ce n’est pas un Africain, ce n’est pas un Maghrébin, c’est un type d’environ 20-25 ans plus petit que moi dont la couleur de peau oscille entre le blanc, le jaune et le gris. Un mélange de turc un peu pâlot, d’espagnol prépubère et de gauchiste.
La racaille :
« Wooo Wo ! Tu croyais qu’j’allais lui faire kwo, fils deeee pute ? »
Ah ben, j’sais pas, moi ! Tu la bouscules, tu refuses de t’excuser et tu l’insultes. La prochaine étape, c’était peut-être l’agression, non ?!
Mais je n’ai pas le temps de lui faire la remarque. Il cherche à m’empoigner, je recule et lui envoie un « jab » du gauche que j’arrête volontairement à cinq centimètres de son nez. Loin de s’être calmé, il continue de m’invectiver, me pousse, mais je ne me laisse pas faire et le pousse à mon tour. Nous sommes dans l’allée du wagon, devant les passagers, dans cette rame qui va bientôt repartir... J’écarquille les yeux de rage.
La racaille :
« Sale fils deeee pute ! »
Moi :
« Mais va te faire foutre, espèce de cafard ! »
La racaille :
« Vas-y, mouo j’te nique, fils deeee pute ! Tu t’prends pour un super héros ou kwo ?! »
Moi :
« Non, mais toi par contre, t’es une sous-merde mal enculée ! » (Oui, je suis un garçon inventif dans pas mal de domaines…)
Et là, au moment où ça va VRAIMENT partir en couille, un invité surprise venu d’ailleurs s’immisce dans le débat et tente sans grand succès de nous séparer : un migrant africain ! Au-then-tique ! Exactitude surréaliste !
Je constate qu’aucun passager, hormis ce clandestin, n’intervient. Ils regardent tous leurs chaussures, leur portable ou dehors. Ces gens qui ne bougent pas une oreille pour ne rien risquer osent ensuite s’indigner des agressions subies par les femmes dans les transports en commun…
Ils sont tétanisés, d’ailleurs non pas par la violence elle-même, mais par l’emploi de la violence et de ce que cela implique.
Or, même en ayant réagi au quart de tour, je constate que mon emploi de la violence est relativement maîtrisé, mesuré. Pas de mort, pas de blessé, pas de mâchoire qui pend, pas de couilles aplaties, pas de sang versé. Rien de tout ça. J’ai bousculé un petit merdeux qui l’avait bien cherché, point barre !
Ce n’est pas de la violence : c’est de la justice !
J’entends pourtant une femme dire :
« Mais c’est dingue ! Il a rien fait, le jeune ! »
La voilà ! La connasse parisienne dans toute sa splendeur ! Elle ramène sa fraise pour innocenter le « jeune » dans une sorte de réflexe conditionné. Sans doute pour ne pas passer pour une « racaillophobe »…
Mais d’où peut donc bien venir le sentiment d’impunité caractéristique des délinquants ? C’est très simple : comme on ne leur fait presque jamais de reproche, cela a pour conséquence de leur enlever la perception du mal qu’ils font. Comme un enfant à qui on passerait tous les caprices pour avoir une pseudo paix. Rappelez-vous les propos de Didier Deschamps en 2012, deux mois après avoir pris les commandes de l’équipe de France, avant d’en exclure quelques personnes. « Le souci pour certains (joueurs), c’est qu’ils ne savent pas ce qui est bien et mal. Ce qu’il faut faire et ne pas faire. Mais ça arrive également dans d’autres domaines. Le football n’est qu’un reflet de la société. »
Cette situation d’insécurité anormale devenue normale existe parce que personne ne réagit. J’ai senti qu’il était de mon devoir de faire quelque chose. J’ai défendu cette femme comme si c’était la mienne.
Finalement, ça se calme. Lentement, mais ça se calme. Cette scène a duré peut-être une minute, mais le temps m’a semblé être suspendu. Je sors de la rame pour prendre la prochaine. La sonnerie retentit, les portes se ferment. Je n’ai pu revoir la femme que j’ai défendue. Je cogne à la vitre à côté de laquelle s’est assis le petit merdeux, lui adresse un grand sourire, un doigt d’honneur, puis le V de la victoire. Il peut lire très distinctement sur mes lèvres une dernière insulte… La rame s’en va.
J’arrive à destination une demi-heure après et narre ce qui vient d’arriver à mes deux acolytes. Les avis sont partagés. « Putain, t’es chaud ! » pour le premier convaincu. « Putain, t’es fou ! T’aurais pu te prendre un coup de couteau pour une nana que tu connais même pas ! Si c’est pas mes affaires, j’interviens pas ! » pour le second dubitatif.
Deux jours après, je recueille deux nouveaux avis. « Excellent, bien joué ! Mais les petits, c’est les plus teigneux ! Tu as eu de la chance… » (C’est un homme qui parle) et « Tu as bien fait, on a besoin de gens comme toi » (C’est une femme qui parle).
Alors, mon geste aura-t-il servi à quelque chose ? J’en doute… Mais je pense malgré tout que ce petit con va désormais réfléchir à deux fois avant de manquer de respect à une femme ou à qui que ce soit d’autre.
En guise d’espoir, je vous livre le témoignage d’un camarade dont je préserverai l’anonymat :
« Quand j’étais plus jeune, j’ai insulté un mec dans la rue, comme ça. Le mec, il m’a chopé et il m’a défoncé. J’ai plus jamais recommencé. Ça m’a servi de leçon et quelque part, ça m’a fait du bien. »
Je ne suis ni un héros, ni un super-héros, ni un chevalier, ni un bagarreur. Je suis un homme épris de justice qui va bientôt quitter la région parisienne et son climat délétère. C’est tout.
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