Johnny chantait qu’il était « né dans la rue », mais il est mort dans son lit, entouré des siens, comme un vieux lion fatigué. Et il avait de quoi : il aura vécu 10 vies, des centaines de tournées, d’albums, d’amis, de femmes et de drames. Il aura épousé tous les styles, toutes les femmes, toutes les époques. Salut Géant !
Sa carrière, phénoménale, a commencé en 1960, à 17 ans, et a duré 57 ans. Avant d’être atteint de son cancer, il préparait encore une nouvelle tournée à partir de son dernier album.
C’était le dernier géant, issu de la génération des années 60. Les fans, qui savent tout sur Johnny, n’apprendront rien de spécial dans cet hommage, nous parlerons de « l’autre Johnny » plus tard, quand l’émotion nationale sera passée. Il ne s’agit pas de démolir Johnny, comme d’autres ont pu démolir le King – Elvis – après sa mort aux États-Unis. Non, juste parler de la bête de vie derrière la bête de scène.
Les médecins ne savaient pas comment il faisait pour tenir : malade, avec 40 de fièvre, il arrivait à monter sur scène et à assurer le show puis, la fête une fois finie, vidé, il retombait malade, comme si le tour de chant n’avait été qu’une parenthèse, mais une parenthèse enchantée.
Johnny, c’est un condensé d’un demi-siècle de vie française, de vie artistique, bien sûr, mais aussi people, politique, économique ! Johnny vivait comme une star, dépensant à foison, vivant à 100 à l’heure, voire à 200, tutoyant les présidents, on peut dire que c’est le chanteur de la Ve République !
Il aura vu le Général, puis Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, ce petit frère qui l’admirait et pour une fois, ce n’était pas une posture, et enfin Hollande et Macron. Chanteur générationnel et intergénérationnel, la passion Johnny se transmettra de père en fils.
Il n’y a pas un village de France qui n’ait pas eu « du Johnny » dans son juke-box. Ses titres étaient joués par toutes les radios avant que n’arrive la FM au début des années 80.
C’était déjà une star en 1960, les jeunes hommes avaient déchiqueté les sièges de l’Olympia sur son passage, et le grand concert gratuit à Paris en 1963 place de la Nation va le consacrer. Edgar Morin dans Le Monde lancera l’expression « yé-yé », pour le yeah yeah des rockers américains.
Car Johnny a flashé sur Elvis Presley, Eddie Cochran, Gene Vincent, Chuck Berry alors qu’il n’avait pas 15 ans. Il a écouté, étudié le rock naissant et s’est lancé, sans complexes. C’est Line Renaud qui le jettera dans le grand bain. Il n’en sortira plus, jusqu’à sa mort.
Ses accents très Gene Vincent laisseront progressivement place à sa personnalité et à la puissance de son interprétation. Johnny a été accusé d’épouser démagogiquement – histoire de ne pas se démoder comme Elvis – toutes les modes. Il est passé sans encombres du rockabilly au yé-yé, puis du rock dur au flower power, et enfin à la chanson française.
Mais c’est le propre d’un interprète. Et la particularité de Johnny est qu’un « simple » interprète a incarné toutes ces périodes, les absorbant sans être absorbé par elles. Il a dominé ses époques, ses mues successives ont fait de lui un véritable phénix, et il frôlera la mort plusieurs fois en vrai.
Johnny aura vécu plusieurs vies, artistiques et sentimentales, renaissant à chaque fois dans une autre peau. Un tour de force que personne ne s’explique, autrement que par un pouvoir magnétique.
Johnny en 1968 chante À tout casser dans l’émission Dim dam dom :
Johnny dans À tout casser sur scène :
1969, Palais des sports de Paris, Rivière, ouvre ton lit avec les meilleurs musiciens qu’il a jamais eus :