Depuis dimanche des émeutes xénophobes secouent l’Afrique du Sud. Ces violences sont récurrentes dans un pays marqué par les inégalités et la violence, et où les pouvoirs publics entretiennent un climat de défiance vis-à-vis des étrangers.
L’Afrique du Sud s’embrase une nouvelle fois, depuis dimanche, des violences xénophobes secouent le pays, et principalement la région de Johannesburg. Le bilan est lourd, cinq morts et de nombreux commerces pillés. Les scènes de lynchages, filmées et retransmises sur les réseaux sociaux, sont d’une violence rare : pillages, attaques à la machette, au gourdin, et immolation par le feu. La police est intervenue, 200 personnes ont été arrêtées et le président sud-africain, Cyril Ramaphosa a condamné ces attaques qu’il a qualifiées de « totalement inacceptables ».
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Ces discours politiques attisant la haine ont été dénoncés par plusieurs ONG ces derniers jours. À Johannesburg, les élus locaux, y compris le maire, normalisent les actes xénophobes, en stigmatisant dans leurs discours les étrangers qu’ils rendent responsables d’une criminalité qu’ils n’arrivent pas à endiguer. Plus que de simples discours, il s’agit de politiques discriminatoires qui touchent tous les domaines de la vie privée et publique, de l’école jusqu’à la régulation des commerces de proximité. Pour Claire Bénit-Gbaffou, « le parti de la libération qui s’accroche au pouvoir [l’ANC, parti de Nelson Mandela au pouvoir depuis 1994, NDLR], est devenu sclérosé et cherche des boucs émissaires pour justifier du maintien de fortes difficultés socio-économiques ».
Dans les zones délaissées des pouvoirs publics, comme le township d’Alexandra, la rareté des aides entretient la compétition entre les communautés. Les commerçants étrangers cristallisent les ressentiments, d’autant plus que leurs affaires fonctionnent et qu’ils sont appréciés de leur clientèle. Ils travaillent beaucoup, sont ouverts tard, et souvent leurs commerces sont plus compétitifs que ceux de leurs concurrents sud-africains. Ce phénomène est d’autant plus vrai à Alexandra, enclave « noire » très dense au milieu d’anciennes banlieues « blanches », dont l’histoire est marquée par l’obsession du « “tri” des “vrais” habitants », selon les mots de Claire Bénit-Gbaffou.
Malgré la fin de l’apartheid, la logique d’exclusion est toujours là, elle repose sur les mêmes mécanismes : discours stigmatisant de la classe politique, violence policière, et mesures discriminatoires, mais elle se double du retour de boomerang des promesses non tenues de la « nation arc-en-ciel » de Nelson Mandela.