« Tewfik Hakem s’entretient avec l’écrivain, Tom Connan, pour un premier roman, Radical, remarquable, remarqué, cru et dérangeant, paru aux éditions Albin Michel. Un titre incisif qui donne le ton, et nous raconte une passion folle, aussi épidermique que de plus en plus toxique, d’un étudiant de gauche à Sciences-Po qui rêve d’ascension sociale pour un garçon plus jeune que lui rencontré sur un réseau social de rencontres gay, issu d’un milieu populaire du nord de la France, et fervent activiste d’extrême-droite. »
Il faut un roman sur une histoire d’amour homosexuel entre un sciences-potard et un facho du Nord pour oser parler de la rencontre, fatale (dans le sens de la destinée), entre le populisme de gauche et le populisme de droite. Les voies du Seigneur sont parfois impénétrables.
Le site couleur funérailles de France Culture ouvre largement ses pages à un jeune auteur inconnu, mais homosexuel et antifasciste, deux grosses cases bien-pensantes de cochées. Ce qui est bien pesant, en revanche, c’est le discours de l’auteur, d’un niveau politique affligeant – on dirait un lycéen redoublant raflé par le NPA –, mais archirespectable pour la dominance culturelle.
Ce croisement entre Antoine Griezman et David Bowie, jamais à court de cartouches de modestie, évoque tranquillement son « travail d’enquête nécessaire » :
« J’ai mené une sorte de travail d’enquête nécessaire, et c’est vrai qu’il y a un continuum entre la révolte plutôt de gauche, plutôt progressiste, ancrée dans l’homme, et ce glissement vers ceux qui peuvent flirter avec les discours ouvertement fascisants. Souvenons-nous, quelqu’un comme Alain Soral a beaucoup influencé cette jeunesse – pour les pires résultats – qui a fait ce pont entre les discours de gauche, en glissant vers les théories d’une culture clairement xénophobe – et il inspire encore. Cette culture – ente guillemets - existe comme telle sur Internet. »
Une culture xénophobe entre guillemets, alors que le petit Tom, un mignon de 25 ans qui donne des leçons de politique à des types endurcis par des années de combat, se fait le vecteur d’une sous-culture gauchiste minoritaire agonisante. Sans l’appui massif du Système, cette mécanique au service du pouvoir profond, la culture gauchiste serait à l’état de survivance, une branche morte du fatum. Cela n’empêche pas la Connan de rappeler dans sa très complaisante interview la responsabilité d’Alain Soral dans le rapprochement des prétendus contraires, c’est-à-dire des populismes dits de gauche et de droite.
Si le petit Tom était un tant soit peu équipé, conceptuellement, il saurait que le populisme est un, en vérité. C’est le sens du slogan « gauche du travail, droite des valeurs » et de la nécessaire réconciliation nationale. Heureusement pour le Système, il se trouvera toujours des mignons comme Tom et des propagandistes comme Tewfik (Radio Nova, Le Monde, Les Inrocks, Télérama) pour monter en mayonnaise un maigre fasciculet de propagande et le transmuter en roman du siècle.
« Harry est plus jeune que le narrateur qui va tomber fou amoureux de lui – dans tous les sens du terme – il est aussi sans illusion. Il va droit dans le dur du problème – les Gilets jaunes et autres mouvements violents qui ont bercé pour le pire et le meilleur cette jeuness-là – et donc plus brutalement sinon de manière simplificatrice, sur le terrain racial, identitaire, etc.
Chez le narrateur, Nicolas, il y a cette contamination progressive ancrée peu à peu dans un réel. Harry est quelqu’un de très pernicieux sinon très malin comme personnage, qui va accrocher Nicolas au plus fort, au cœur, à travers les sentiments, mais aussi à travers le ressentiment que pourrait éprouver ce dernier envers la société et les problématiques qui la concernent. »
Le gentil gaucho, pris par les sentiments, va se faire contaminer (on ne parle pas de sida ?, rassurez-nous) progressivement par le méchant facho. On doit avouer que dans cette histoire, on ne sait plus trop qui est Harry, qui est Nicolas, qui contamine qui, qui est le narrateur et qui est le narraté. Mais ce n’est pas si important : ce qui compte, c’est l’Hamour, même si aimer son ennemi politique peut rendre un gauchiste à moitié fou, ou folle. Pourtant, c’est le message du Christ :
« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. »
Hum, pas facile d’aimer Mendès, Wargon, Véran ou Delfraissy, mais on s’y emploie.
On attend le prochain Goncourt des lycéens et les achats obligatoires de bouquins invendables dans le programme des secondes et premières pour la saison scolaire 2021-2022, on renifle la bonne surprise pour Tom lors du 12e reconfinement.
La station France Culture, pas foutue de trouver un lecteur potable avec tout le fric qu’on lui verse sur les 139 euros de redevance, nous oblige à ce blanc inesthétique après l’interro orale de Tom. Que les lecteurs nous pardonnent.
L’interview du nécessaire Tom sur le site des éditions Albin Michel