Jean-Pierre Bacri fut un comédien français assez populaire grâce à une technique assez simple : il incarnait toujours le même personnage, dans des films relativement identiques, le bougon un peu chiant mais sympa au fond.
Creusant ainsi son sillon, il a pu jouer dans des comédies de gauche qui ont ravi le jury des César et sa compagne Agnès Jaoui, qui fait régulièrement l’objet d’articles extrêmement dithyrambiques dans la presse socialo-sioniste, qui n’oublie jamais de rappeler toutes les tentacules à son arc : comédienne, scénariste, réalisatrice, moraliste, chanteuse, chialeuse, vaniteuse.
« Tout cela a été central dans la construction de mon propre univers mental. En attendant d’autres maîtres : monsieur Jacob, mon prof de littérature au lycée Henri-IV, passionné et vibrant ; ma prof de piano, Sylvie Decrept, avec qui j’ai appris le travail, parce qu’on ne peut pas tricher avec un instrument de musique. Mon prof de théâtre, Francis Huster, ce vrai généreux. Ma prof de chant, Bernadette Val, si essentielle, si exigeante. Et puis… Je ne serais pas arrivée là, bien sûr, si je n’avais pas rencontré Jean-Pierre Bacri. » (Le Monde)
Rappel des faits
Jean-Pierre est un juif pied-noir d’Algérie monté en France en 1962 sous la pression du FLN. Il se fait connaître dans Le Grand Bleu, pardon, Le Grand Pardon en 1982, le film d’Alexandre Arcady.
L’œuvre, qui met en images l’association des gentils juifs et des gentils Arabes (pris à tort pour les méchants) contre les vilains Français (le Français raciste s’appelle d’ailleurs Villars, ça s’invente pas) un peu pédés, rencontre un franc succès populaire dans la France miterrandienne.
Jean-Pierre y incarne un second rôle de joueur de poker flambeur, Jacky Azoulay. C’est d’ailleurs le poker qui l’a mené à la comédie, puisque Jean-Pierre, dans la vraie vie, a perdu un jour une grosse somme et a dû bosser dans une banque pour se refaire. Mais le démon du jeu étant plus fort, il abandonne la banque pour le jeu, mais le jeu sur les planches ou devant la caméra. Voilà pour l’anecdote principale.
"- Ça vous convient qu'on parle aussi souvent de Bacri-Jaoui que de Bacri tout seul ?
- Ça me convient parce qu'Agnès, c'est la femme de ma vie. Tout ce qui m'associe à elle est un compliment. J'ai appris la moitié de ce que je sais avec elle."
Jean-Pierre Bacri, 1999 @PremiereFr pic.twitter.com/SetYAbEtYI— Damien Leblanc (@damien_leblanc) January 19, 2021
Il a fondu une grande partie de sa carrière dans celle d’Agnès Jaoui, qui jouait elle aussi toujours le même rôle, celui de la vaniteuse supérieure : gauchiste trentenaire éternelle, super intelligente, super blasée, comme dans Cuisines et dépendances ou Un air de famille. Nous avons revu ce dernier pour les besoins de notre enquête.
Cinéma et mort
Pourquoi vouloir revoir Un air de famille juste après l’annonce de la mort de Jean-Pierre à 69 ans, le 18 janvier 2021 ?
Pourquoi écouter du Motörhead le jour de la mort de Lemmy ?
Ces questions, elles sont vite répondues.
Quand on perd un être cher (la moindre entrée coûte dix euros au cinéma communautaire du CNC), un être qui nous est cher, qu’on aime bien, on a envie de le faire revivre. C’est une façon de ne pas accepter sa mort, de truander la Mort.
La Mort, c’est la dame en noir qui nous emporte un jour – celui qu’elle a choisi – et nos récriminations et pleurnicheries n’y peuvent rien. C’est le prix de la vie, qui peut être merveilleuse. Le problème, c’est quand on a une vie de merde et qu’on meurt quand même. Mais là, on peut dire que c’est un soulagement.
Rappelons à toutes fins utiles que si on peut truander la Mort un temps, on ne peut pas la truander toujours.
On a donc revu Un air de famille, le film socialo-sioniste où Bacri joue un tenancier de bistrot. Si l’avion qui emmène en 2022 la paire Véran-Castex à Tel-Aviv se crashe, on ne va pas se repasser leurs discours en boucle. On ne les aime pas tellement, donc on s’en foutra. Certains, parmi les plus radicaux, diront « ouf, bien fait pour leur gueule ». Nous on n’est pas comme ça : même chez Véran, il y a un petit cœur qui bat.
Marc-Olivier Fogiel était pénible, mais le titre de son émission était bien trouvé : On ne peut pas plaire à tout le monde. C’est la vérité, il faut accepter d’avoir des adversaires, et d’être soi-même un adversaire, parfois.
Quelques uns font pleurer les foules quand ils meurent, d’autres crèvent tout seuls ou sous les applaudissements. C’est triste mais tout a une explication. Ça peut paraître injuste de prime abord mais on a toute la vie pour tisser des relations, et si on se retrouve seul dans son corbillard, c’est qu’il y a eu un problème, ou alors qu’on l’a voulu, qu’on n’aimait pas les autres, ou qu’on n’était pas très aimable, des trucs comme ça.
Les stars sont aimées de beaucoup de gens mais ça ne les empêche pas de se sentir seules, ou de flipper quand elles se retrouvent seules, ou vieilles. Beaucoup se suicident, par exemple. On peut d’ailleurs se poser la question si c’est pas pour se la péter encore plus post mortem, vu leur ego.
On va pas se mentir, c’est pour tout le monde pareil : quand on perd un être cher, on est mal ; quand on perd un être pas cher ou un inconnu, on s’en fout ; quand on perd un ennemi, on s’en réjouit. La mort (des autres) est donc un sentiment très relatif. Nous avons trouvé des exemples célèbres pour illustrer notre thèse.
Johnson s’est félicité du meurtre de JFK, il a ensuite ouvert grand les portes à Israël dans le pouvoir américain, puis a entraîné son pays dans la guerre du Viêt Nam, assassiné deux millions de Vietnamiens, sacrifié 60 000 jeunes Américains (moyenne d’âge 19 ans), sans oublier les 150 000 vétérans abandonnés qui se sont suicidés une fois rentrés au pays, détruits à l’héroïne et à l’agent orange. Une belle victoire pour ce salopard dont personne ne va fleurir la tombe.
Le monde entier – moins Ben Gourion – a pleuré la mort de JFK. Tout le monde a craché sur la tombe de Johnson, personne ne regrette cette ordure. Chez nous, pas grand-monde ne pleurera la mort de Castex et Véran, qui ne font que menacer les Français du matin au soir sous prétexte de les protéger d’une pandémie tellement mortelle qu’elle ne bat pas une mauvaise grippe saisonnière, même augmentée en laboratoire pour les besoins du Nouvel Ordre mondial qui compte sur le Great Reset pour son avènement.
Information de dernière minute qui remet tout en question !
On était prêts à pleurer Bacri comme toute la presse qui donne l’impression d’avoir perdu de Gaulle quand soudain, on tombe sur le site pour débiles Konbini qui révèle que Jean-Pierre « était très engagé » :
Frappé par la déception de Michel Rocard lors de la défaite des socialistes en 1978, Jean-Pierre Bacri s’intéresse à la politique et s’engage dans diverses causes. Depuis son ancrage à gauche, il s’est notamment illustré en grand défenseur des intermittents du spectacle en 2004, à Cannes après que sa compagne Agnès Jaoui a interpellé le ministre de la Culture d’alors en réclamant une révision du régime d’assurance chômage pour les artistes lors de son discours aux César la même année.
Soutenir les intermittents du spectacle, c’est un peu démago mais ça va encore. La suite est beaucoup plus grave :
Un an plus tard, il décide de parrainer le collectif Devoirs de mémoires, une association qui œuvre contre le racisme et la discrimination raciale et pour la préservation de l’histoire durant les périodes d’esclavage et de la colonisation française. En 2014, il est également devenu membre du comité de soutien à la candidature d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris.
Oh merde ! Bon, on va pas refaire le papier, disons qu’on va séparer l’œuvre de l’homme, hein. D’ailleurs, c’est ce que fait aussi la Mort : elle retire l’homme et laisse l’œuvre. Elle touche pas à l’œuvre.
Bonus : L’œuvre d’Agnès Jaoui
Que signifie « être sûre de son existence » ?
C’est une sorte d’obsession. Et c’est pour cela que j’ai très tôt commencé à écrire. D’ailleurs, je ne serais pas là si je n’avais pas lu Le Journal d’Anne Frank à 11 ans. Le choc ressenti à cette lecture a fait écho à un drame vécu des années plus tôt pendant que je visitais avec mes parents la maison de Jean-Jacques Rousseau. J’avais 4 ou 5 ans, j’étais tout excitée, et j’ai demandé : « Quand est-ce qu’on verra Jean-Jacques Rousseau ? » Mon père a dit : « Ah, ce ne sera pas possible parce qu’il est mort. » Eh bien j’ai pleuré pendant six heures. C’était un chagrin fou, je ne pouvais plus m’arrêter.
[...]
Quel est le lien avec Anne Frank ?
J’y arrive. À 11 ans, j’ai visité sa maison, dévoré son journal, pleuré en apprenant le sort horrible de sa famille. Je me suis totalement identifiée à elle. Elle m’apparaissait si vivante à travers ses lignes ! Et tout le monde se souvenait d’elle ! Alors je me suis mise à écrire moi aussi, en me disant que si jamais je n’arrivais pas à faire un métier qui me fasse connaître, eh bien mes carnets pourraient témoigner qu’un jour une petite Agnès avait bien existé et vécu des choses… (Le Monde)