C’est une mesure phare du quinquennat Hollande, qui sera bientôt remise en cause. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a dévoilé, samedi 8 juillet, les contours du nouveau compte pénibilité, renommé « compte de prévention ». Cette révision, prévue pour 2018, fait partie de la réforme du Code du travail souhaitée par l’exécutif.
Entré partiellement en vigueur en 2015, le compte pénibilité permet aux salariés du secteur privé travaillant dans certaines conditions difficiles de partir plus tôt à la retraite, de suivre une formation ou de travailler à temps partiel avec un même niveau de salaire. Considéré comme une « usine à gaz » par bon nombre d’entreprises, ce compte sera désormais simplifié. Sur les 10 critères de pénibilité existants, six seront encore pris en compte.
Les quatre critères réévalués – manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux risques chimiques –, les plus décriés par les organisations patronales, n’accorderont plus les mêmes droits. Les salariés confrontés à ces formes de pénibilité pourront partir plus tôt en retraite si « une maladie professionnelle a été reconnue », et si « le taux d’incapacité permanente excède 10% », a précisé le chef du gouvernement samedi, dans une lettre adressée aux partenaires sociaux. Franceinfo a interrogé des salariés qui vivent ces situations de pénibilité au quotidien.
Anaïs D., 30 ans, charpentière et couvreuse : « Il faut penser aux anciens »
« C’est injuste. » Anaïs Dallier, charpentière et couvreuse chez Boisbeluche Frères, à Passais (Orne), ne décolère pas. La jeune salariée n’a que 30 ans, mais travaille dans le bâtiment depuis près de douze ans. Concernée par le compte pénibilité, elle ressent des douleurs régulières liées à des postures pénibles, et ne s’imagine pas rester encore plus de deux ans sur ce poste.
« Moi, je suis jeune, mais il y a des personnes proches de la retraite. Ils vont devoir travailler plus longtemps, s’inquiète la charpentière. Il faut penser aux anciens. »
En charpente ou sur d’autres chantiers, Anaïs Dallier raconte être « souvent baissée » ou « à moitié penchée » – et ce toute la journée. Des postures pénibles qui finissent par marquer son corps. Pour la pose d’un plancher en bois, elle est récemment restée plusieurs heures à genoux.
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Moussa B., 53 ans, commercial : « Mon corps ne suit plus autant qu’avant »
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Le port des charges lourdes, « on le rencontre tous les jours », raconte Moussa Bamba. « Il faut porter la marchandise ! » Les carcasses sur lesquelles il travaille pèsent en moyenne 250 kg. En les découpant, « on se retrouve obligé à porter des morceaux de 50 kg », souffle-t-il.
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Le salarié parle d’un ton résigné quand il évoque la réforme du compte pénibilité. « Je ne peux aller à l’encontre du gouvernement, déplore-t-il. De toute façon, je ne sais même pas quand je vais partir en retraite. » Mais il reconnaît ressentir le poids des années et de la pénibilité. « Mon corps ne suit plus autant qu’avant. Je ne pense pas tenir jusqu’à 65 ans. »
Christian G., 54 ans, salarié agricole : « Si ce n’était pas de la pénibilité, nous n’aurions pas de douleurs »
Christian Grégoire devra lui aussi travailler encore quelque temps. Censé partir à la retraite à 62 ans, il ne sait pas encore si la réforme portée par Edouard Philippe pourrait changer ses plans. À 54 ans, ce salarié agricole est cadre d’exploitation en polyculture dans la Somme. Comme bon nombre de collègues dans le secteur, il cumule plusieurs formes de pénibilité, notamment celles qui seront bientôt moins reconnues. Il y a les postures – Christian Grégoire peut rester assis douze heures d’affilée, six jours de suite dans son tracteur. Et les produits chimiques. En semant le blé, il ressent parfois des brûlures au visage à cause de la ventilation.
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Le salarié, syndiqué et membre de l’Association des salariés agricoles de France, s’inquiète de la réforme du compte pénibilité proposée par Édouard Philippe. « Pour moi, la maladie professionnelle c’est trop tard », déplore-t-il.