Israël se situe, géographiquement parlant, sur le continent asiatique, mais « l’État juif » auto-proclamé n’a de cesse d’affirmer son caractère « européen » chaque fois que l’occasion lui en est donnée. Ainsi, il a été admis à prendre part au Concours Eurovision de la Chanson depuis 1973, et la Israeli Broadcasting Authority (Autorité Israélienne de Radiodiffusion) est membre de la European Broadcasting Union (Union Européenne de Radio-Télévision) depuis 1957. Les clubs de football israélien ont commencé à disputer les compétitions européennes en 1991, et Israël est devenu membre de l’UEFA en 1994.
Mais, dans le domaine politique, , ce qui est plus important encore et qui semble passer inaperçu aux yeux des médias, c’est le désir apparent de Tel Aviv de devenir un État européen à part entière.
En mars de cette année, une délégation du Likoud a visité Strasbourg à l’invitation du groupe des European conservatives and Reformists (ECR) du Parlement européen. Selon le Jerusalem Post, la délégation a exposé les positions du Likoud devant quinze députés européens du groupe ECR et un accord a été passé qui lui permet de devenir l’un des « membres régionaux », ce qui autorisera des représentants du Likoud à assister aux réunions du groupe ECR, et permettra au parti israélien d’influer sur ses prises de positions.
Dans un délai d’un an, le Likoud deviendra à part entière un « parti allié » du groupe des European Conservatives and Reformists du Parlement européen, ce qui devrait intensifier les relations entre l’Europe et le parti au pouvoir en Israël. Le groupe ECR a décidé que le Likoud peut dès à présent avoir le statut d’observateur en son sein, et qu’une délégation de membre du ECR sera reçue en Israël par le Likoud en octobre.
Eli Hazan, directeur général adjoint du Likoud chargé des relations internationales et publiques, a indiqué qu’il conduira les membres du Parlement Européen au mémorial de Yad Vashem [1], au Menachem Begin Heritage Center [2], le quartier général du Likoud, et dans des « communautés de Samarie », c’est-à-dire des colonies juives en Cisjordanie occupée (en utilisant la terminologie géographique biblique adoptée par les sionistes).
« Ceci est un pas significatif, parce qu’alors que nous vivons une époque de boycotts d’Israël, le Likoud va être intégré dans un groupe qui exerce du pouvoir en Europe », a dit Eli Hazan. « Quand des motions anti-israéliennes sont débattues au Parlement Européen, nous serons désormais en mesure d’envoyer à titre officiel des membres du Likoud pour défendre Israël devant les membres du Parlement », a-t-il ajouté. [3]
Eli Hazan dirigeait la délégation, dans laquelle se trouvaient des maires, des membres de conseils régionaux et des conseillers des dirigeants du Likoud. Aucun parlementaire israélien n’en faisait partie, car la coalition au pouvoir en Israël ne dispose que de 61 sièges sur 120 à la Knesset.
L’ECR a été fondée par des membres du Parti conservateur britannique et compte 75 députés appartenant à 17 pays, ce qui en fait le troisième plus important groupe au sein du Parlement Européen. Il est officiellement allié au parti AKP (au pouvoir en Turquie), au Parti Républicain (USA), et à des partis en Australie, au Canada, au Maroc et en Nouvelle Zélande.
La réunion entre l’ECR et le Likoud a fait suite à une rencontre entre Eli Hazan et des dirigeants de l’ECR à Londres, ce qui n’est probablement pas une coïncidence. En effet, un reportage télévisé de 2009, Dispatches : Inside Britain’s Israel Lobby, avait mis en évidence que 80 % des dirigeants du parti de David Cameron sont membres des Conservative Friends of Israel. « Le lobby pro-israélien dans ce pays est le plus puissant des lobbies. Il n’y a rien qui puisse les atteindre », déclarait un homme politique britannique dans ce reportage.
Avant les élections de l’année dernière, le quotidien Haaretz avait publié un article sous le titre David Cameron est-il le Premier ministre le plus pro-israélien de tous les temps ?. Et le journal israélien faisait observer que « Le Royaume Uni n’est peut-être plus un acteur de premier plan sur la scène internationale, mais le premier ministre a toujours été en mesure de travailler discrètement en faveur de l’État juif ».
Durant une visite en Israël l’année dernière, Cameron avait prononcé un discours devant la Knesset, au cours duquel il avait évoqué son arrière-arrière-grand-père, un banquier juif qui avait émigré d’Allemagne. Ce lien familial lui donne, avait-il assuré, « un certain sens de connexion » avec le peuple israélien [4], dont il avait salué « le parcours extraordinaire » et l’histoire parsemée de persécutions.
Dans son allocution, David Cameron avait juré de se tenir « épaule contre épaule » avec ce qu’il avait décrit comme « un État vulnérable » pour faire face au terrorisme, en dépit du fait qu’Israël est la puissance militairement dominante dans la région, qui est la seule qui détient l’arme nucléaire. « Nous sommes avec vous », avait dit en hébreu le Premier ministre britannique.
« Mon ascendance juive est relativement limitée, mais je ressens juste un certains sens de connexion. Du lexique de mon grand, grand-père Emile Levita, un Juif qui a émigré d’Allemagne en Grande-Bretagne il y a 150 ans à l’histoire de mon ancêtre Elie Levita qui a écrit ce qui est considéré comme le premier roman jamais écrit en yiddish », a-t-il ajouté.
Même si la généalogie juive du Premier Ministre britannique est « relativement limitée », les services discrètement rendus par son parti à l’État sioniste peuvent avoir un impact non négligeable sur ses relations bilatérales avec l’Union Européenne.
Malgré cela, seul le Jerusalem Post a jusqu’ici jugé digne d’intérêt cet épisode des efforts du Likoud pour tisser des liens de plus en plus étroits avec l’Europe, ce qui laisse les coudées franches aux Israéliens pour poursuivre leurs efforts pour tenter de contrer la montée en puissance constante de la campagne BDS et la menace pourtant de plus en plus improbable d’un boycott par l’UE.