Israël Katz a confirmé le souhait de l’administration israélienne de se rapprocher des pays du Golfe afin de faire face à l’Iran. Si aucun accord n’a encore été ratifié, l’État hébreu a récemment multiplié les signaux en direction de ses voisins.
Le ministre des Affaires étrangères israélien, Israël Katz, a expliqué devant la Knesset, le 6 août, que son objectif principal était le rapprochement entre Israël et une partie du monde arabe. D’après lui, des accords de paix formalisés avec certains États du Golfe pourraient voir le jour dans quelques années. « Mon objectif, avec le soutien total du Premier ministre Benyamin Netanyahou, est d’œuvrer à une normalisation manifeste, de l’étendre et de la rendre publique, afin de parvenir à la signature d’accords diplomatiques [de paix] avec les États du Golfe. C’est le défi. C’est l’objectif », a-t-il confié.
L’abandon de la question palestinienne ?
Prenant pour exemples les accords de paix signés avec l’Égypte en 1979 ou la Jordanie en 1994, le ministre du Likoud a précisé qu’il serait « réaliste » de s’attendre à une normalisation totale des relations avec certains États de la région « dans les années à venir », et ce, même si des désaccords persistent à propos de la question palestinienne. Il a également affirmé que ces différends ne devaient pas être un obstacle à l’amélioration des relations entre Israël et ses voisins.
Néanmoins, Israël Katz reste conscient du chemin à parcourir. Évoquant l’une de ses discussions avec un haut responsable, à propos des relations entre Israël et la Turquie, celui-ci a déclaré à propos du président Recep Tayyip Erdoğan : « Nous ne l’aimons pas, il ne nous aime pas […] mais le commerce avec la Turquie continue à augmenter. »
Selon le ministre, le Moyen-Orient serait en effet composé de « frenemies » (contraction de friend [ami] et d’enemy [ennemi]). « Vous pouvez discuter d’une chose et coopérer sur d’autres questions. Par conséquent, vous, les États du Golfe, n’avez aucune raison de ne pas travailler avec nous [les Israéliens] sur certaines questions, même si nous ne sommes pas d’accord sur la question palestinienne », a-t-il complété, citant son échange avec le haut responsable.
Par ailleurs, Israël Katz espère que les bonnes relations entre l’administration de Donald Trump et celle de Benyamin Netanyahou pourraient être un facteur supplémentaire de rapprochement entre Israël et les pays du Golfe. Car si ces États avaient fait du règlement de la question palestinienne un prérequis à la paix, le repositionnement de l’Iran comme un acteur principal de la région, tenant tête aux États-Unis, les force à réagir et à revoir leurs prétentions.
Les ennemis de mes ennemis
Alors que l’Iran et les États-Unis se livrent une bataille diplomatique féroce, ces derniers mois ont été l’occasion pour Israël de mettre en application une stratégie de normalisation des relations avec ses voisins. Le 1er juillet dernier, le chef du Mossad, Yossi Cohen, avait annoncé lors d’une conférence de presse tenue à Herzliya, près de Tel-Aviv, le rétablissement des « relations officielles » entre l’État hébreu et le sultanat d’Oman. Il avait ajouté que le rétablissement des liens entre les deux pays était « la partie visible d’un effort bien plus large, qui reste secret ».
Cette reprise des relations diplomatiques intervenait quelques jours après la conférence de présentation à Bahreïn du volet économique du plan américain, porté par Jared Kushner (haut conseiller du président américain et mari d’Ivanka Trump), censé ouvrir la voie à un règlement du conflit israélo-palestinien. Elle avait été boycottée par l’Autorité palestinienne qui accusait Washington de soutenir Israël. Néanmoins, à cette occasion, le chef de la diplomatie bahreïnie avait tenu des propos inédits, rappelant qu’Israël faisait partie de « l’héritage de [la] région » et que le « le peuple juif a[vait] une place parmi [eux] ». Le 18 juillet, Bahreïn indiquait vouloir accueillir, à une date non précisée, une conférence sur la sécurité aérienne et maritime et les moyens de faire face à la « menace iranienne ».
La diplomatie israélienne avait révélé début juillet, en marge d’une conférence de l’ONU à Abou Dhabi sur le changement climatique, la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères israélien et un « haut responsable des Émirats arabes unis », sans donner plus de précisions. Les Émirats n’ont pas de relations diplomatiques officielles avec l’État hébreu, mais la ministre israélienne de la Culture, Miri Regev, s’était rendue dans le pays au mois d’octobre 2018. Un signe de plus d’une potentielle entente entre les deux nations.
De son côté, Yossi Cohen voit dans le climat actuel avec l’Iran « une opportunité sans précédent, peut-être même la première de l’histoire du Moyen-Orient, pour atteindre une entente régionale qui pourrait mener à un accord de paix global ». Le 21 juillet, le ministère des Affaires étrangères avait signalé qu’une délégation de six journalistes de pays arabes, dont l’Irak et l’Arabie saoudite, se rendrait en Israël, une première pour des pays de la région n’entretenant pas de liens diplomatiques avec l’État hébreu. De plus, les Américains devraient déployer, dans les mois à venir, 500 soldats chez leurs alliés saoudiens, une première depuis l’invasion de l’Irak en 2003, et ce pour contrer l’Iran.
« Nous n’avons pas encore de traité de paix avec [tous les pays de la région] mais il y a déjà une mise en commun de nos intérêts, une vaste coopération et des canaux ouverts pour communiquer », avait observé le patron du Mossad. Après des décennies d’hostilité, la volonté commune de contrer l’influence régionale de l’Iran pourrait bien être le catalyseur d’une alliance inédite au Moyen-Orient.