Lovée dans une des innombrables vallées bucoliques de la chaîne des Monts Zagros, la ville de Paveh est située dans la province de Kermanshah. Cette région de l’extrême ouest de l’Iran, limitrophe de l’Irak, est majoritairement peuplée par des Kurdes sunnites, arborant fièrement le « chalouar » et la large ceinture en tissu. Sise à une trentaine de kilomètres de la frontière irano-irakienne, Paveh n’aurait pu garder que le charme champêtre de son paysage et celui de ses routes sinueuses qui bordent les vergers d’arbres fruitiers si ce n’était sa position géostratégique, les intentions belliqueuses des pays voisins et l’instrumentalisation des minorités ethniques de l’Iran.
- Danse kurde en Iran : "chalouar" et large ceinture en tissu
Déjà, en 1979, Paveh a été l’épicentre de la rébellion kurde à la suite de la chute du Chah et de la proclamation de la République islamique d’Iran [1]. C’est dans cette même région que, durant la guerre Iran-Irak, les opposants iraniens de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (Mujaheddin-e-Khalq, MeK), mouvement militaire armé par les autorités irakiennes ont essayé d’envahir l’Iran en marchant vers Kermanshah. Ils furent écrasés par l’armée iranienne [2].
- Paveh, à une trentaine de kilomètres de la frontière Irak-Iran
Le 7 juin dernier, Téhéran fut frappé par un double attentat terroriste sanglant qui fit 17 morts et des dizaines de blessés. Selon des sources officielles, quatre des cinq terroristes étaient iraniens, d’origine kurde [3]. Parmi eux, certains étaient originaires de Paveh [4], dont Serias Sadeghi, un individu connu des services de sécurité iranienne et considéré comme un notoire recruteur pour Daech dans le Kurdistan iranien [5]. Certaines sources ont d’autre part mentionné que ces terroristes étaient impliqués par le passé dans des attaques contre des salons de beauté féminins dans la région de Paveh, jugés contraires à la moralité [6].
De passage en Norvège, le chef de la diplomatie iranienne, M. Javad Zarif, a accusé l’Arabie saoudite d’être derrière ces attentats et d’autres qui ont touché la frontière Est du pays, fin avril dernier. « Nous avons des renseignements montrant que l’Arabie saoudite est activement engagée dans la promotion de groupes terroristes opérant dans l’Est de l’Iran » a-t-il déclaré tout en ajoutant « Dans l’Ouest, des activités du même type sont menées, là aussi en abusant de l’hospitalité diplomatique de nos autres voisins » [7].
Il faut dire les Saoudiens, gonflés par l’indécent soutien du président Trump, ne se sont pas gênés de proférer des menaces à peine voilées contre l’Iran. En effet, quelques semaines avant l’attentat meurtrier, Mohammed Ben Salmane, le vice-prince héritier du royaume saoudien (il est récemment devenu le prince héritier), fit la déclaration suivante : « Nous n’attendrons pas que la bataille soit menée en Arabie saoudite. Au contraire, nous ferons en sorte qu’ils aient à mener bataille en Iran » [8].
À peine quelques heures avant les attaques terroristes, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Jubeir, avait de son côté déclaré que l’Iran devait être puni pour son ingérence dans la région et le soutien d’organisations terroristes [9].
- Adel Jubeir et Mohammed Ben Salmane
Cette poussée de témérité tartarinesque des Al Saoud a, comme par hasard, éclos juste après la visite du président Trump qui leur a réservé rien de moins que son premier voyage à l’étranger, une première dans l’histoire des États-Unis.
Reçu royalement avec cavalerie, danse du sabre et grotesque collier en or, le président américain a traîné sa mèche rebelle dans les palais saoudiens, promené Mélania et Ivanka cheveux dans le vent [10] et, évidemment, signé des contrats astronomiques, dont 110 milliards de dollars en vente d’armes pour contrer les « menaces iraniennes » (sic !) [11]. Un moyen comme un autre pour estomper les visées de la loi « JASTA » (Justice against Sponsors of Terrorism Act), votée sous la présidence Obama et qui ciblait tout particulièrement le royaume wahhabite [12].
Trump ne retourna cependant vers sa tour manhattanienne qu’après avoir réuni le « monde musulman » sur, selon son expression, « cette terre sacrée où se trouvent les lieux saints de l’islam » [13]. Oubliés ses propos islamophobes [14], son « muslim ban » [15], sans parler de son projet de « fichier musulman » [16]. Trump a profité de l’occasion pour réchauffer le concept « bushien » de « bataille entre le bien et le mal » et appelé les dirigeants musulmans à « combattre l’extrémisme islamiste » [17]. Le président Trump et le roi Salman n’ont pas raté l’occasion pour pointer du doigt l’Iran, leur ennemi commun. Le premier l’a accusé de « soutenir le terrorisme » et le second l’a qualifié de « fer de lance du terrorisme mondial » [18]. Ils ont juste oublié de préciser que leurs pays respectifs font partie du club des plus grands sponsors du terrorisme djihadiste mondial.