Les juifs d’Éthiopie ont manifesté en masse dimanche soir pour dénoncer le racisme de la police et les discriminations sociales
Au moins 46 blessés, 19 arrestations et le centre de Tel-Aviv transformé en champ de bataille. Au terme de leur deuxième journée d’« Intifada noire », les Israéliens d’origine éthiopienne (Falachas) qui ont paralysé dimanche soir le centre économique de leur pays pour protester contre le racisme, ont peut-être réussi à se faire entendre.
En effet, après avoir longtemps ignoré le dossier, le premier ministre Benyamin Netanyahou a convoqué lundi une réunion d’urgence en présence des ministres concernés, de l’état-major de la police, ainsi que de représentants de la communauté éthiopienne censés empêcher la poursuite des émeutes. Quant à l’opposition, elle a profité de la rentrée parlementaire qui se déroulait au même moment pour demander, par la voix de la députée centriste Tzipi Livni, la création d’une commission parlementaire d’enquête.
Tout a commencé il y a une dizaine de jours, lorsqu’une chaîne de télévision israélienne a diffusé une vidéo montrant deux policiers passant à tabac sans raison un soldat de peau noire. Le lendemain, un autre Israélien d’origine éthiopienne a également été battu dans la rue, mais par trois inspecteurs municipaux cette fois. Il n’en n’a pas fallu davantage pour que la révolte éclate et que les ex-Ethiopiens réclament des comptes.
2% de la population
« Bien sûr, les policiers concernés ont immédiatement été suspendus mais le problème est ailleurs », s’exclame Gadi Yevarkan, l’un des leaders de cette « Intifada noire ». « Voilà en effet des années que nous sommes discriminés à l’école, à l’armée, au travail, dans les logements sociaux. Nous sommes des Israéliens comme les autres et nous n’en pouvons plus d’être traités comme des nègres auxquels Israël apporte les bienfaits de la civilisation occidentale. »
Arrivés massivement en Israël dans le courant des années 1980, les juifs d’Éthiopie représentent aujourd’hui 2% de la population de l’État hébreu. Mais 30% de sa population carcérale et 40% de sa jeunesse délinquante. « Cela s’explique par notre situation économique difficile et par le fait que nous sommes parqués dans des quartiers excentrés et pauvres des villes. À cela s’ajoute le fait que la police ne nous fait jamais le moindre cadeau. Pour elle, nous sommes Noirs donc coupables », assène l’activiste et ex-député centriste Shlomo Mulla. Qui poursuit : « Ainsi, si l’un de nos jeunes est interpellé dans la rue sans carte d’identité, il est immédiatement placé en détention comme un « vulgaire » Palestinien. A contrario, un Israélien blanc se verra accorder l’autorisation d’aller chercher sa carte d’identité chez lui pour la présenter au commissariat le plus proche et ses ennuis s’arrêteront là. »
Sans doute parce qu’ils étaient pauvres et illettrés, les olim (nouveaux immigrants) originaires d’Éthiopie arrivés en Israël dans le courant des années 1980 ont immédiatement souffert du racisme. Depuis lors et contrairement aux autres communautés de la diaspora, les ex-Ethiopiens sont les seuls juifs à ne pas pouvoir émigrer comme ils le veulent en Israël. Ils sont soumis à un quota et lorsqu’ils veulent acquérir un logement, l’État ne leur accordera une aide que s’ils installent dans des zones excentrées bien définies où les infrastructures sociales sont aussi défaillantes que le système scolaire.
Taux de suicide élevé
« Dès lors, comment s’étonner que le taux de réussite au bac des ex-Éthiopiens soit deux fois inférieur à la moyenne nationale et que le nombre de suicides soit deux fois plus important, interroge Shlomo Mulla. Notre communauté n’est pas violente mais les jeunes n’en peuvent plus. Si leur situation ne change pas, notre Intifada risque de se poursuivre longtemps. »