« Un tremblement de terre », voilà comment le Quotidien du Peuple qualifiait l’authentification de bas-reliefs chrétiens en Chine, l’année des J.O. de Pékin ! Pourtant, cette découverte bouleversante est restée dans le silence…
Quiconque s’intéresse à l’historique de la présence chrétienne en Chine peut généralement citer trois grandes étapes. La première a été révélée par une stèle du VIIIème siècle, retrouvée près de l’ancienne capitale des empereurs Tang ; elle fait état (en caractères chinois et en quelques lignes syriaques) d’une « religion radieuse »… La seconde, sous la domination mongole des XIIIème et XIVème siècles, est attestée en latin par les écrits de franciscains de l’époque. Enfin, l’arrivée des missionnaires jésuites et notamment de Matteo Ricci, à partir de 1582, reste la plus connue. Il existait bien, dans les traditions orientales, des récits anciens concernant l’apôtre Thomas après son départ de Jérusalem mais, depuis plus d’un siècle, tout cela a été considéré comme légendaire.
Des moines bouddhistes qui… n’en sont pas
Le débat est relancé depuis peu par l’authentification, sur la paroi rocheuse de Kong Wang Shan, au sud-est de Beijing (Pékin), de sculptures chrétiennes (photo ci-dessus), datées de la fin des années 60 de notre ère par les archéologues chinois ! Ils y ont en effet reconnu l’illustration d’un épisode notoire : le songe de l’empereur Ming-di, relaté dans la « Chronique des Hans postérieurs ». Cette immense fresque de plus de cent personnages surplombe la route qui reliait un port du 1er siècle après J.C. aux capitales successives des empereurs Han (l’actuelle Xi’an).
L’analyse de l’ensemble de la falaise, comparée notamment avec la littérature de cette époque, a permis d’identifier la plupart des figures, sauf trois. Car ces dernières se font remarquer par leur origine visiblement étrangère à la culture locale (attitude du corps, vêtements, etc.) et les scientifiques les identifient d’abord aux tout-premiers moines bouddhistes venus apporter leur religion. Il aura fallu l’expertise d’un Européen, le chercheur français Pierre Perrier, pour parvenir à des conclusions bien différentes.
« Devant me rendre en Chine pour un congrès », nous explique-t-il, « j’ai pris rendez-vous avec le Département des religions populaires de l’université de Nankin, dont j’avais lu les premiers résultats d’études de ce bas-relief ». Mais les photos de la fresque qu’il découvre ce jour-là le font sursauter ! En effet, le premier « moine bouddhiste » porte une grande croix à la hauteur de sa poitrine. « Près de lui », reprend Pierre Perrier, « un 2ème personnage, figuré plus petit, présentait sa main droite, paume ouverte, dans un geste d’attestation de la vérité, et tenait, dans sa main gauche, un rouleau développé ! Il s’agissait clairement d’un prêtre chrétien accompagné de son acolyte, qui attestait de la main droite sa foi en la parole écrite sur le rouleau, déroulé selon l’iconographie de l’Église des origines… » Mais la plupart des symboles chrétiens étant méconnus des archéologues chinois, aucun d’entre eux ne pouvait faire ce rapprochement.
« De plus », poursuit le scientifique, « la date avancée pour les événements relatés sur la falaise, l’année 65, me rappelait mes récentes enquêtes chronologiques auprès de chrétiens malabars. Par un enchaînement de faits et de dates, elles aboutissaient à l’année 64, en tant que fin de la mission de Thomas dans le sud de l’Inde, avant son départ pour la Chine, comme le relatent à la fois les traditions indiennes et mésopotamiennes. »
Mais comment aboutir à une certitude ?
Un immense travail de recherches multidisciplinaires commence alors, croisant des éléments littéraires, archéologiques et historiques de l’Empire du Milieu. L’imagerie numérique s’avère ici particulièrement utile pour révéler des éléments altérés par l’érosion. Dix personnes apportent leur contribution à une publication très complète et passionnante, qui rassemble tous les éléments chrétiens désormais connus, dispersés dans ce pays. Car, « par la suite », nous précise l’auteur, « on a découvert, devant la paroi, les vestiges d’un ensemble de bâtiments, dont plusieurs sont orientés Est-Ouest, alors que tous les temples chinois sont orientés Nord-Sud ! L’un d’eux était très vraisemblablement la cathédrale de Thomas. »
Des universitaires de Taipei se sont intéressés au sujet puis des chercheurs de l’Académie des sciences de Pékin. Ainsi, une équipe franco-chinoise, en confrontant le contexte géopolitique des missions de l’apôtre Thomas et la culture chrétienne de l’époque aux données historiques locales, est parvenue à une conclusion révolutionnaire : il y a bien eu une 1ère annonce de l’Évangile en Chine en 67 après Jésus-Christ !