Depuis que trois jeunes ont disparu en faisant de l’auto-stop en Cisjordanie occupée le 12 juin dernier, Israël a mobilisé toutes ses ressources « pour écraser le Hamas et abattre le gouvernement d’unité récemment formé ainsi que pour punir collectivement le peuple palestinien ».
C’est ce que déclare le groupe de défense des droits humains Addameer dans un papier publié aujourd’hui au sujet de l’offensive militaire actuellement en cours en Cisjordanie et de la longue grève de la faim menée das les prisons israéliennes.
Jusqu’à présent, le gouvernement israélien n’a fourni aucune preuve ni de la responsabilité du Hamas dans la disparition des jeunes, ni de leur enlèvement par des Palestiniens. Aucune faction palestinienne n’a revendiqué la responsabilité de la disparition des jeunes séminaristes, dont deux sont mineurs et dont l’un a la double nationalité étatsunienne et israélienne.
Mais comme le souligne Addameer, une déclaration du porte-parole de l’armée, Peter Lerner révèle les motivations politiques ultérieures de cette opération militaire en Cisjordanie, massive et ratissant large, la plus vaste opération depuis la Deuxième Intifada qui avait éclaté en septembre 2000.
« Nous avons effectivement deux opérations en parallèle, la première vise à ramener les garçons, la deuxième consiste à porter un coup substantiel aux infrastructures et aux institutions terroristes du Hamas » a dit Lerner à l’agence de presse Reuters.
Une réconciliation détricotée
Les observateurs n’ont pas manqué de constater qu’Israël ne se réjouissait pas de l’accord de réconciliation signé par le Hamas et le Fatah en avril – mettant fin ostensiblement à une impasse politique de sept années et à l’isolement politique du Hamas – aussi neutralisé que puisse être tout gouvernement d’unité avec l’Autorité Palestinienne.
Ils auront également remarqué que le dirigeant de l’AP Mahmoud Abbas – qui, en mai dernier, promettait encore aux journalistes et hommes d’affaires israéliens que sa collaboration avec l’armée d’occupation et sa police secrète demeurerait « sacrée » - aurait tout bénéfice qu’Israël écrase le Hamas, premier rival politique de son parti, le Fatah.
Mercredi dernier, les autorités du Hamas ont condamné le soutien renouvelé d’Abbas à la « coordination de la sécurité » avec Israël.
La Cisjordanie assiégée
Addameer a résumé l’intensification de l’occupation militaire de la Cisjordanie au cours de la semaine écoulée :
...Les faits sont éloquents : un siège a été imposé aux 300 000 habitants de Hébron, 800 domiciles ont été fouillés et 1 maison démolie. 3 Palestiniens ont été blessés au cours des raids et des affrontements. L’Université Birzeit elle aussi a été attaquée par les FDI, le personnel de la sécurité universitaire enfermé dans une pièce, dans une tentative d’arrestation d’étudiants. Des maisons et des écoles ont été occupées par les FDI à Hébron et Naplouse, et des colons continuent d’attaquer impunément des Palestiniens, ils ont notamment enlevé un enfant palestinien.
Addameer ajoute qu’il a enregistré 290 arrestations en Cisjordanie du 12 au 19 juin : ces chiffres comprennent 9 membres du Conseil Législatif palestinien, 51 ex-prisonniers qui avaient été libérés dans l’échange de 2011 et 2 anciens ministres de l’AP. Parmi les personnes arrêtées figurent des professeurs, des étudiants universitaires, des militants, des Palestiniens âgés et le directeur du Centre d’Etudes des Prisonniers Palestiniens.
Leur détention est arbitraire : ce que met en lumière le fait qu’aucune des personnes arrêtées n’a été inculpée, une infraction directe à l’article 9 (1,2) du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que toute personne arrêtée devra être informée de toute accusation portée contre elle.
Au cours de cette campagne d’arrestations de masse, Israël a émis 77 ordres de détention administrative – des ordres militaires utilisés pour emprisonner des Palestiniens sans inculpation ni procès. Addameer rapporte qu’aujourd’hui 26 détenus ont refusé d’assister à leurs auditions au tribunal militaire pour protester contre l’arbitraire de leur arrestation.
Addameer alerte sur l’augmentation probable du nombre d’ordres de détention administrative, car des autorités israéliennes ont déclaré que l’offensive militaire actuelle en Cisjordanie n’est que le début d’une opération pus vaste et plus durable.
Pendant ce temps au moins 125 prisonniers palestiniens sont en grève de la faim illimitée depuis le 24 avril pour protester contre la pratique israélienne si répandue de la détention sans charge ni procès. La santé et le pronostic vital des grévistes de la faim sont en danger car Israël refuse de les libérer et parce qu’il y a eu « peu ou pas d’intervention internationale en leur faveur », note Addameer.
Aujourd’hui le Procureur Général d’Israël aurait donné son feu vert aux interrogateurs israéliens pour qu’il pratiquent « une pression physique modérée » contre les Palestiniens raflés dans les arrestations de masse, selon la procédure dite de la « bombe à retardement », comme l’autorise le droit israélien depuis une décision de la haute cour sur la torture en 1999.
Alors que la décision de justice interdit la torture elle fournit aux interrogateurs une faille « de nécessité de défense » pour utiliser des méthodes d’interrogatoire illégales, y compris la violence physique : depuis cette décision, l’usage de la torture est devenu une routine largement répandue sur les Palestiniens détenus en Israël.
Dans une déclaration faite aujourd’hui, le Comité Public contre la Torture en Israël décrit la procédure de la « bombe à retardement » comme une « approbation préalable de la torture », qui laisse les détenus sans même « le droit le plus élémentaire de rencontrer un avocat ».
Hier les FDI ont arrêté 51 anciens prisonniers qui avaient été libérés dans le cadre de l’échange de prisonniers en 2011, notamment Nael Barghouti, le prisonnier qui a passé 34 ans en détention israélienne, la durée la plus longue subie par un Palestinien.
Israël a également arrêté 9 membres du Conseil législatif Palestinien, ce qui monte à 20 le nombre total de parlementaires palestiniens emprisonnés en Israël.
Selon Addameer :
Les personnes arrêtées sont le Dr Aziz Dweik, président du Conseil législatif palestinien (parlement palestinien), Hasan Yousef, Mohammad Totah, Ibrahim Salem, Abd Al Rahman Zeidan, Husni Burini, Azzam Salhab, Ayman Daraghmeh and Ahmad Mubarak, tous ayant été arrêtés au moins une fois depuis leur élection au CLP. Sur les neuf, six ont été précédemment en détention administrative, et le 18 juin, Mohammad Totah and Hasan Yousef ont également fait l’objet d’un ordre de détention administrative. Le dernier est toujours détenu sans accusation.
Depuis 2006, 48 parlementaires palestiniens ont été arrêtés, Israël a emprisonné 450 Palestiniens affiliés au bloc associé au Hamas « Changement et Réforme » dans la course aux élections législatives et municipales de 2006 où le Hamas avait remporté la majorité des sièges au parlement.
Toutefois, comme le rapportait hier The New York Times, d’autres partis politiques palestiniens ne sont pas épargnés au cours de l’invasion actuelle en Cisjordanie.
La campagne israélienne ne s’est pas limitée au Hamas ou à la zone de Hébron. Le député Moustafa Barghouti, qui a contribué au pacte de réconciliation d’avril dernier entre l’OLP et le Hamas, a dit que le quartier général de son Initiative Nationale Palestinienne à Jénine, un parti laïque qui défend la protestation non violente, a été saccagé tôt lundi matin : les soldats ont détruit du mobilier et emporté des disques durs.
Il dit que le Premier Ministre Netanyahou « se servait de l’affaire pour saper ce qui avait réussi dans la réconciliation ».
« Ce qu’ils font maintenant, ce n’est rien d’autre que des actions de punition politique » dit le Dr Barghouti des Israéliens.
Descentes dans les universités
Les forces israéliennes ont envahi le campus de l’Université Birzeit près de Ramallah aux premières heures de jeudi, « violant directement l’intégrité de notre université ; c’est une attaque flagrante du droit à l’éducation et de la liberté d’éducation garantis par le droit et les conventions internationaux » a déclaré l’université.
Selon Reuters, « jeudi des soldats israéliens ont saisi les affiches et les drapeaux du Hamas d’un groupe d’étudiants adhérant au Hamas » à l’université.
Gulf News annonce aussi que l’armée a opéré une rafle à l’Université Polytechniue à Hébron.
Une organisation caritative britannique interdite
Reuters ajoute qu’Israël a annoncé hier qu’elle interdisait l’œuvre caritative enregistrée au Royaume-Uni « Islamic Relief Worldwide » d’opérer en Cisjordanie occupée, l’accusant de financer le Hamas. Aujourd’hui l’association s’est déclarée inquiète à propos des comptes-rendus das la presse, précisant que « Islamic Relief Worldwide ignore tout de cette décision, qu’elle soit du gouvernement israélien ou de toute autre source officielle ».
Pendant ce temps, des avions de combat israéliens frappaient Gaza de façon répétée, des groupes armés ayant tiré des roquettes vers Israël sans faire de blessés. Samedi dernier le petit Ali al-Awour âgé de 7 ans est décédé de ses blessures lors d’une frappe aérienne israélienne sur le nord de Gaza, trois jours auparavant.
La frappe visait Muhammad al-Awour, 30 ans, associé aux Comités de Résistance Populaire. Selon sa famille il était sorti chercher à manger quand il fut exécuté extra-judiciairement. L’enfant Ali al-Awour ne faisait que passer par là au moment de la frappe aérienne, rapporte l’agence Ma’an News.