La jeunesse dorée a bien de la chance, elle s’éclate et suscite des jalousies : ses conditions de vie sont optimales et elle peut voir l’avenir en rose. HG Wells, dans la Machine à explorer le temps, parlait des Eloïs et des Morlocks. Grâce au libéralisme qui envahit la surface de la Terre, on en est un peu là. Voici le résumé de l’ouvrage par Wikipédia :
« Le voyageur du temps commence son récit en décrivant le monde de l’an 802 701. La Terre est habitée par les Éloïs, descendants des hommes. Androgynes, simplets et doux, ils passent leur temps à jouer tels des enfants et à manger des fruits dans le grand jardin qu’est devenue la Terre. À la surface de celle-ci, ne subsiste plus aucune mauvaise herbe, ni aucune autre espèce animale. Le monde semble être devenu un paradis.
Toutefois l’explorateur du temps ne tarde pas à se rendre compte que cette apparente harmonie cache un terrible secret. Des puits menant à des systèmes d’habitations souterraines sont répartis un peu partout, et un bruit de machine s’en échappe. C’est sous terre que vit une autre espèce descendante aussi des hommes, les Morlocks, sortes de singes blancs aux yeux rouges ne supportant plus la lumière à force de vivre dans l’obscurité. La nuit, ils vont et viennent à la surface en remontant par les puits, pour kidnapper des Éloïs dont ils se nourrissent, devenus ainsi leur bétail à leur insu. En explorant l’un des "puits" qui conduisent aux habitations souterraines des Morlocks, il découvre la machinerie et l’industrie qui rend possible le paradis dans lequel vivent les Éloïs à la surface. Il en déduit alors que l’espèce humaine a évolué en deux espèces différentes : les classes fortunées sont devenues les Éloïs oisifs, et les classes laborieuses piétinées sont devenues les Morlocks, brutaux et craignant la lumière. »
On ne va pas s’étendre sur l’injustice fondamentale de la distribution hasardeuse des chances à la naissance, si hasard il y a. Il y aura en revanche toujours des riches et des pauvres, ça on peut en être sûr, comme le Christ l’annonçait il y a 2 000 ans.
Aujourd’hui, la coexistence entre riches et pauvres, hyperclasse mondialisée et sous-prolétariat mondial, fonde ce qu’on appelle la nouvelle lutte des classes, qui en fait n’a jamais changé. C’est comme la rencontre entre les masses d’air froid et les masses d’air chaud qui sont à l’origine des tornades. En langage politique, on appelle ça une révolution. Mais la politique a sa propre complexité, puisque les révolutions n’apportent pas forcément la justice. On peut dire sans trop se tromper que l’augmentation de la classe moyenne, ni riche ni pauvre mais ayant satisfait ses besoins fondamentaux, va dans le sens de la justice sociale. Or que voit-on aujourd’hui en France, dans ce pays historiquement en pointe en matière de droits sociaux ? Une contraction de la classe moyenne au profit des riches et des pauvres, de l’hyperclasse et du sous-prolétariat. C’est une dévolution, un retour en arrière.
Que la jeunesse dorée se rassure, elle ne risque rien, personne ici ne veut sa peau : l’histoire nous apprend qu’en éliminant les riches, on n’élimine pas la richesse ou l’injustice sociale, on crée à son corps défendant une nouvelle classe de riches. Ce fut le cas en URSS avec la bureaucratie communiste et en Chine avec les princes rouges, ces enfants de la Révolution qui finirent par prendre les commandes du pays et qui s’enrichirent de manière capitalistique tout en maintenant le peuple dans un communisme autoritaire. À ceci près qu’en Chine, une classe moyenne est née qui ne souffre plus de la faim. Les Chinois ont désormais faim d’autre chose : de considération et de pouvoir. Ils veulent bouffer les Américains !
Dernière chose, et pas des moindres : le fait que la jeunesse dorée bénéficie de la meilleure éducation possible ne garantit pas son génie. On le sait, le génie surgit là où on ne l’attend pas. La Vie est peut-être plus juste qu’on ne le croit.