Arthur Sadoun, c’est l’histoire d’une réussite fulgurante. Ou comment devenir patron de Publicis Conseil à 36 ans, puis dauphin officiel à 44 ans du très influent Maurice Lévy.
Pas issu des grandes écoles prestigieuses comme la majorité des membres de la nomenklatura française, c’est avec un bac D et un diplôme d’école de commerce secondaire qu’il entame sa carrière de publicitaire. À 21 ans, en 1992, au Chili. Ensuite, tout s’accélère : il revend son agence à BBDO, entre dans le groupe TBWA, en devient directeur général deux ans plus tard (!), et saute en 2007 à la présidence de Publicis Conseil. Un poste d’influence dans les médias et le monde économique, et donc, politique. Puis c’est Publicis Worldwide en 2013, et enfin la tête de Publicis Communications ce 2 décembre 2015. À 41 ans, le « génie » de la pub, parti de presque rien, dirige 12 000 personnes dans 110 pays, et gère désormais 40 % du chiffre d’affaires du Groupe, établi en 2014 à près de 7 milliards d’euros. Adoubé par le tycoon Maurice Lévy, qui fait la pluie et le beau temps dans la presse française, par le biais des gros annonceurs (Procter, Renault, Sanofi, Toyota), dont il gère l’image, le jeune roi Arthur a pour mission de réorganiser la maison pour en faire une entreprise en pointe sur le numérique. Car c’est là que se situent les nouveaux gisements de ressources pour les publicitaires. Même si les internautes sont quelque peu réclamo-réticents, surtout sur leur mobile.
« Arthur Sadoun, devenu très vite PDG » (Le Monde du 10 mars 2004)
En réalité, Arthur n’est pas parti de rien. Il est issu d’une famille elle-même d’influence. On ne fera pas la bio de ses grands-pères (un président de Thomson) et de son oncle, mais son père, Roland, a longtemps dirigé la maison IFOP, en charge les premiers sondages politiques en France, dans les années 1960. Importée des États-Unis, cette technique a permis de parfaire la communication des hommes politiques de l’époque, à savoir le général De Gaulle. Officiellement, Roland Sadoun et son entreprise privée étaient « indépendants » des partis ; dans les faits, il participait à l’amélioration de la communication présidentielle. Gaulliste de gauche, résistant à 20 ans, il travaille pour la France libre dans le renseignement, et ne quittera jamais vraiment l’entourage du Général – il est notamment invité en mars 1969 avec une dizaine de personnalités de la société civile à un déjeuner à l’ambassade des États-Unis avec le président Nixon et son ministre Henry Kissinger. Un an auparavant, en février 1968, Roland est d’un autre déjeuner avec De Gaulle et Tabarly, plus tout le premier cercle gaulliste. En 1954, une mission lui est confiée en Indochine pour négocier les accords avec le Vietminh, et en 1972 en Iran. Roland Sadoun aura toujours une « activité internationale », que ce soit auprès des gaullistes, ou pour l’IFOP (à partir de 1972). En tant que patron de l’IFOP, il sera critiqué par des membres de l’opposition mais aussi par des sociologues, lui reprochant un système de questions orientées.
Faire du jeune Sadoun un personnage aussi influent dans la sphère politico-économico-médiatique que son père ou Maurice Lévy – Siècle, Trilatérale, Bilderberg, Davos, CAC40, AFEP, France Israël et B’naï B’rith – serait un procès d’intention. Mais avec une traversée aussi rapide des couches successives de la dominance, et de tels moyens de contrôle sur les médias et donc le politique, il est à penser que le jeune roi Arthur fera encore parler de lui dans les années à venir.
Revoir l’analyse d’Alain Soral sur le groupe Publicis (extrait de l’entretien d’avril 2012) :