La visite du président Obama à Hiroshima vendredi a ravivé le débat public sur les bombardements atomiques américains du Japon – débat en grande partie occulté depuis que le Smithsonian Institute a annulé son exposition sur l’Enola Gay en 1995. Obama, conscient que les critiques sont prêtes à fuser s’il jette le moindre doute sur la rectitude de la décision du président Harry S. Truman d’utiliser des bombes atomiques, a choisi de garder le silence sur la question. C’est malheureux. Un inventaire national est largement dû.
La plupart des Américains ont appris que l’utilisation de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, fut justifiée parce que les bombardements ont terminé la guerre dans le Pacifique, évitant ainsi une coûteuse invasion américaine du Japon. Cette affirmation erronée est issue des manuels d’histoire du secondaire encore aujourd’hui. Plus dangereusement, elle façonne la pensée des responsables gouvernementaux et des planificateurs militaires qui travaillent dans un monde qui possède encore plus de 15.000 armes nucléaires.
Truman exultait de l’oblitération d’Hiroshima, la qualifiant de « plus grande chose dans l’histoire ». Les chefs militaires américains ne partageaient pas son exubérance. Sept des huit officiers cinq étoiles de l’Amérique en 1945 – les généraux Dwight Eisenhower, Douglas MacArthur et Henry Arnold, ainsi que les amiraux William Leahy, Chester Nimitz, Ernest King et William Halsey – ont par la suite dénoncé les bombardements atomiques, affirmant qu’ils étaient soit militairement inutiles, soit moralement répréhensibles, ou les deux. Les bombes n’ont pas non plus réussi dans leur objectif accessoire : intimider les Soviétiques.
Leahy, qui était le chef d’état major de Truman, a écrit dans ses mémoires que les « Japonais étaient déjà vaincus et prêts à se rendre […] L’utilisation de cette arme barbare à Hiroshima et à Nagasaki n’était d’aucune aide matérielle dans notre guerre contre le Japon ». MacArthur est allé plus loin. Il a dit à l’ancien président Hoover que si les États-Unis avaient assuré aux Japonais qu’ils pourraient garder l’empereur, ils auraient volontiers cédé à la fin mai.
Ce ne fut pas l’annihilation atomique d’Hiroshima et de Nagasaki qui mit fin à la guerre du Pacifique. Au lieu de cela, c’est l’invasion soviétique de la Mandchourie et d’autres colonies japonaises, qui a commencé à minuit le 8 août 1945 – entre les deux bombardements atomiques.
Pendant des mois, les services de renseignement alliés avaient rapporté que l’invasion soviétique allait terrasser le Japon. Le 11 avril, par exemple, l’état-major interarmes réuni avait prédit : « Si à un moment l’URSS devait entrer dans la guerre, tous les Japonais se rendraient compte que la défaite absolue est inévitable. »