L’augmentation du prix de l’électricité (6 % en juin, 1 ou 2 % de plus en août) est un petit crime. Elle ampute le pouvoir d’achat environ 2 milliards par an, d’une façon régressive (plus pour les pauvres que pour les riches en proportion du revenu).
(Par Rémy Prud’homme, économiste)
Qui est responsable de ce délit ? La loi, répète le gouvernement. Hercule Poirot ne se satisferait pas de cette réponse. Quelles dispositions ? De quelles lois ? Selon quels mécanisme ? Et puis l’augmentation de 2019, avec sa dimension conjoncturelle, est l’arbre qui cache la forêt des augmentations des dix dernières années (50 %), largement structurelles. Sur son petit carnet noir, Poirot a inscrit le nom de trois suspects : nucléaire, renouvelables, marché.
Le premier suspect, dénoncé systématiquement par les Verts à l’opinion publique, est le nucléaire. Il a pourtant un alibi en béton. Nos cinquante centrales ont été construites sans subventions, et financées entièrement par des emprunts sur le marché français et international, notamment américain. Le remboursement de ces emprunts, intérêt et principal, a longtemps pesé sur les comptes d’EDF, et sur les prix de l’électricité. Mais il est maintenant terminé. Toutes choses égales par ailleurs, la diminution, et la fin, de ces charges de capital auraient dû entraîner une baisse, et pas du tout une hausse, du coût et du prix l’électricité en France. Du reste, le très officiel prix de la vente obligée de 100 TWh d’électricité nucléaire par EDF à ses concurrents, censé être égal au coût de production, est toujours de 42 €/MWh. Sur son petit carnet noir où figure la liste des suspects, Poirot raye la mention « nucléaire ».
Un deuxième suspect est l’électricité renouvelable. Plus exactement, le renouvelable intermittent, c’est-à-dire le photovoltaïque et l’éolien. En effet, le renouvelable hydraulique (qui pèse plus lourd que les deux intermittents) est exactement comme le nucléaire : financé par des emprunts amortis depuis longtemps, il fournit une électricité presque gratuite. Les renouvelables au contraire augmentent les coûts d’une quadruple façon.
Le coût direct de production de l’éolien et du photovoltaïque est élevé, même s’il tend à baisser. Les renouvelables ne se développent que grâce à des subventions massives. Ces subventions prennent la forme d’un achat garanti de toute la production à un prix élevé (actuellement 90 €/MWh pour l’éolien, et 290 €/MWh pour le photovoltaïque). Cet achat est financé par une taxe prélevée sur les ventes de toutes les formes d’électricité, dont le montant est affecté aux renouvelables. On connaît donc bien le surcoût de cette électricité. Il est actuellement de près de 7 milliards (TVA comprise, car le fisc taxe cette taxe), et il augmente régulièrement.
La multiplication des éoliennes et des panneaux solaires a un impact sur le réseau de transport d’électricité. Avant les renouvelables, l’électricité était produite en 150 ou 200 points du territoire (20 sites nucléaires, autant de centrales à charbon et au gaz, un peu plus de barrages) ; avec les renouvelables, elle est produite en 10 000 points. Pour faire face à cet agrandissement du réseau, RTE dépense environ 1 milliard par an, coût qui est évidemment répercuté en une augmentation équivalente des prix.