Deux des trois jeunes hommes condamnés, dont un soldat en uniforme, font recours.
L’un est en tenue de soldat de l’armée suisse, l’autre porte un béret et une veste bomber, le troisième arbore de grosses lunettes de soleil. Point commun sur cette photo diffusée sur la Toile ? Ces jeunes d’une vingtaine d’années font une « quenelle » devant la synagogue bordant le boulevard Georges-Favon en décembre 2013.
Popularisé par le polémiste français Dieudonné, ce geste apparaît comme un symbole de contestation du système et d’anticonformisme aux yeux de ses fans. Mais nombre d’observateurs, comme le président de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme en France, considèrent la quenelle comme une manifestation antisémite. Un salut nazi inversé. D’après nos renseignements, ce trio vient d’être condamné par la justice, par le biais d’une ordonnance pénale, pour violation de la norme fédérale contre la discrimination raciale.
« Deux personnes (ndlr : écopant de 90 jours-amende avec sursis) ont fait opposition à ces ordonnances, confirmait mercredi Henri Della Casa, porte-parole du pouvoir judiciaire. Elles seront donc jugées par le Tribunal de police. » Me Pascal Junod, avocat d’un des jeunes, confirme que son client fera opposition. Le troisième prévenu, condamné à 100 jours-amende avec sursis, accepte la sanction et n’affrontera donc pas de procès public.
Un autre jeune convoqué
Un quatrième homme a aussi été convoqué ce printemps chez le procureur Antoine Hamdan. Les enquêteurs l’auraient d’abord suspecté d’avoir propagé le cliché sur Internet. Mis hors de cause, il a donc été entendu comme « personne appelée à donner des renseignements ». Il a admis connaître les prévenus, il a également vu la photo incriminée. Rien de plus, dit-il. Pas de quoi le poursuivre, a apparemment conclu la justice.
Revenons aux tracas judiciaires du trio. Les mésaventures de ces trois hommes n’ont pas échappé aux animateurs du site Egalité & réconciliation, un mouvement politique nationaliste français fondé par l’écrivain Alain Soral. Le site s’étonne de voir la justice suisse « s’emparer de cette affaire (…) alors qu’aucune plainte n’avait été déposée jusque-là. Les trois amis avaient exécuté le geste pour s’amuser ». Le prévenu qui était en tenue de soldat a également dû s’expliquer devant les instances militaires, notamment l’an dernier. Il aurait dit qu’il n’était pas en service au moment des faits reprochés. D’après Egalité & réconciliation, il a précisé au juge militaire que la photo n’était pas destinée à être rendue publique et que ce cliché « totalement anodin » avait été réalisé pour « le côté punk, pour faire de la provoc ». Il rejette toute connotation antisémite.
« Le droit de rire »
Lors de son audition devant la justice genevoise, un des prévenus explique avoir agi par réaction à la polémique autour de Dieudonné. « On n’avait plus le droit de rire de certaines choses, de certaines religions et de certaines communautés. Sans viser toute la communauté juive, il existe (…) des fanatiques, comme la Ligue de défense juive qui traquait les quenelliers. (…) Soit on peut rire de tout, soit on fait des lois pour tout avec des interdictions de quenelles, de caricatures de Mahomet, etc. » En 2013, à Carouge, deux pompiers avaient été mis à pied pour des faits analogues.