Les sénateurs ne s’attendaient pas à cet accueil. Venus en visite, lundi 23 mars, dans le lycée Paul-Eluard à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour prendre le pouls des enseignants après les attentats de janvier, les représentants de la commission d’enquête ad hoc ont dû faire face à une véritable fronde des professeurs de ce grand lycée de banlieue. Parce qu’ils ne voulaient pas « cautionner un jeu de dupes et une entreprise idéologiquement réactionnaire », ces derniers ont refusé de jouer le jeu.
La venue des élus de la République avait été annoncée, quelques jours avant, aux représentants du personnel enseignants un soir de conseil de classes. Il s’agissait alors d’une rencontre, d’une discussion à bâtons rompus, sans enjeux. Puis l’information s’est précisée, par l’intermédiaire du rectorat : la visite se tenait dans le cadre des consultations de la commission d’enquête sur « le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession ». L’intitulé a fait tiquer dans la salle des profs.
« La tonalité des auditions est très conservatrice »
Les professeurs ont découvert sur Internet que cette commission avait été formée à l’initiative du groupe UMP du Sénat. « J’ai lu les comptes rendus des auditions précédentes, les propos tenus et ça m’a énervée », raconte Servane Marzin, enseignante d’histoire géographie.
La liste des personnes auditionnées l’a aussi hérissée : trois anciens ministres − Luc Ferry, Luc Chatel, Jean-Pierre Chevènement −, Jean-Pierre Obin (auteur d’un rapport contesté sur les signes religieux à l’école), le philosophe Alain Finkielkraut, François-Xavier Bellamy (maire adjoint de Versailles très impliqué dans la Manif pour tous), Alain-Gérard Slama, journaliste au Figaro… « Malgré l’audition de Jean Baubérot [sociologue de la laïcité], la tonalité est très conservatrice, tenant l’islam comme un problème », ajoute la jeune femme.