La dépêche vient de tomber. La police a lancé l’avis de recherche ce matin. Charlie Coulibaly et Charlie Martel, deux dangereux blasphémateurs, sont en fuite.
La police est sur leurs traces. Les blasphémateurs sont armés et violents. Ils n’hésitent pas à faire usage des pires plaisanteries. Partout où ils passent il ne reste que désolation. La capitale raisonne des cris et des larmes de leurs victimes. L’odeur nauséabonde est persistante. Selon les dernières estimations, au moins 36 fidèles auraient déjà perdu la foi.
Charlie Coulibaly et Charlie Martel, les noms de guerre empruntés par Dieudonné M’Bala M’Bala et Jean-Marie Le Pen suffisent à terroriser les plus sensibles. Aucun des deux n’en est à son premier forfait, sous leurs vrais noms ils sont connus de tous. Leurs casiers sont lourds. Avec acharnement, de récidive en récidive, ils ont réussi à se forger une image diabolique dans l’opinion. L’affaire du détail, l’affaire Durafour, l’affaire Shoahnanas, l’affaire de la quenelle, ont laissé à la mémoire collective un souvenir traumatisant.
Ces affaires témoignent d’une brutalité et d’une barbarie iconoclaste insupportables. Pour que cela ne se reproduise jamais, l’assemblée législative a été contrainte d’inscrire dans la loi le crime de négationnisme. Qui aurait cru possible qu’un jour quelqu’un puisse mettre en doute l’existence des chambres à gaz ? Probablement personne, pas plus qu’on ne peut imaginer tolérer que soit souillé le nom même de Charlie. Aujourd’hui, Dieudonné M’Bala M’Bala et Jean-Marie Le Pen ont trouvé une nouvelle faille à exploiter pour véroler la démocratie. Force est de reconnaître que la loi n’est pas toujours adaptée à la situation. Il va donc falloir y inscrire le blasphème. On ne peut pas attaquer impunément les certitudes.
Donner un nom à Charlie est le plus sournois des sacrilèges. Cela revient à nier l’existence de Charlie. C’est pourtant Charlie qui a rendu à la race humaine sa cohésion et sa dignité. Après des décennies de conflits incessants entre fachos islamistes et fachos identitaires, Charlie a apporté l’Humanisme. Et tout le monde a vu la grâce. Comment peut-on contester ? Dieudonné M’Bala M’Bala et Jean-Marie Le Pen font la paire. Un seul individu n’aurait certainement pas pu troubler l’ordre nouveau. A deux, la démonstration fait illusion. L’un prend le nom de Coulibaly, l’islamiste qui tortura d’innombrables juifs, puis l’autre le nom de Martel, l’identitaire qui pratiquait la chasse aux arabes, et l’humanité retombe à l’âge de pierre. Ces noms maudits déclenchent une envie de stigmatisation et d’amalgame qui envahit chacun, ils sont incompatibles avec Charlie. Charlie est l’incarnation glorieuse de la paix et de l’amour, il doit rester intouchable.
La culpabilité du duo tristement comique est établie. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que les forces spéciales d’intervention règlent le problème M’BalaM’Bala-LePen. Mais le mal est fait, il s’insinue comme un fléau. Les heures sombres de l’histoire se profilent à l’horizon. Douter de tout n’est plus permis. Il faut se ressaisir. Aider les concitoyens qui glissent dans l’abîme. Dire non à la tentation d’une politique bipolaire, elle n’apporte que haine et souffrance. Proclamer haut et fort sa profession de foi, il n’y a qu’un parti unique et Charlie est son prophète. Surtout il faut prier pour surmonter l’épreuve. Oui la prière peut aider à comprendre les valeurs républicaines du vivre ensemble. Oui la prière est l’âme de la démocratie, car en vérité la prière nous fait vibrer à l’unisson. Il faut prier pour se rassembler et se rassembler pour prier.
Il s’appelait Charlie Hebdo. Il n’a jamais renié sa foi. Les fachos ont eu sa peau, il est mort en martyr. Depuis on l’appelle Charlie. C’est lui le Sauveur. Que son nom soit sanctifié !
Amen