En fermant le gazoduc Maghreb-Europe, le gouvernement algérien punit son voisin marocain et embarrasse les Européens.
Les Espagnols vont-ils pouvoir se chauffer cet hiver sans avoir à payer davantage ? Pas sûr. Comme annoncé au mois d’août, l’Algérie va mettre fin dimanche à l’approvisionnement du gazoduc Maghreb-Europe. Inauguré en 1996 et opéré par le géant national Sonatrach, il acheminait chaque année 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers l’Espagne et le Portugal en passant par le Maroc. Si l’Espagne dépend de l’Algérie pour la moitié du gaz qu’elle consomme, le royaume chérifien, lui, bénéficiait de son statut de transitaire avec un péage qui lui rapportait jusqu’à 200 millions d’euros par an.
Une petite phrase
Pourquoi punir ainsi le Maroc et handicaper l’Espagne à l’heure où les prix de l’énergie s’envolent ? Il aura suffi d’une petite phrase au coeur de l’été lors d’une visioconférence aux Nations unies pour mettre le feu aux poudres. Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, y avait rappelé le soutien constant de son pays à « l’autodétermination du peuple sahraoui » au Sahara occidental, administré depuis 1975 par le Maroc. Le représentant marocain avait alors répliqué que le peuple kabyle en Algérie méritait « plus que tout autre de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».
Insulte suprême à la souveraineté et à l’unité de l’Algérie qui s’ajoutait aux accusations selon lesquelles le Maroc avait instrumentalisé la révolte populaire du Hirak et soutenu les incendiaires « terroristes » des forêts de Kabylie. Alger a donc décidé unilatéralement de rompre les relations diplomatiques avec son voisin. Les frontières étaient déjà fermées, les ambassadeurs ont été rappelés, et voilà que le robinet du gaz est désormais fermé.
« L’Algérie se recroqueville sur elle-même et se lance dans une fuite en avant en utilisant tous ses vieux réflexes de dénonciation de la main de l’étranger pour expliquer les crises qui la parcourent, analyse Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (Fmes). Le gain géopolitique de cette nouvelle initiative est nul mais les autorités algériennes s’en moquent, car la hausse des prix du gaz et du pétrole leur donne une marge de manœuvre face à une opinion en attente de redistribution sociale. »
Au Maroc, c’est peu de dire que la nouvelle a été prise avec dédain. Les autorités du nouveau gouvernement d’Aziz Akhannouch sont même en pourparlers avec l’Espagne pour qu’elle leur renvoie par le même gazoduc inutilisé par l’Algérie ce qui contribue à sa consommation.
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