Une audition pour rien : c’est ce que beaucoup ont pensé, mardi [10 avril 2018], en écoutant Mark Zuckerberg témoigner devant le Sénat pendant près de cinq heures (il remet cela ce mercredi, devant une autre commission). On n’a rien appris de nouveau sur Facebook, aucune question n’a vraiment fait trébucher le PDG fondateur et le titre en Bourse a clôturé en hausse de 4,5%.
Fermez le ban ? Pas si vite. Les Américains ont la mémoire courte, mais il y a à peine quelques mois ils portaient encore au pinacle les géants de la high-tech comme Facebook, et « Zuck » était accueilli à Washington comme un chef d’État. D’ailleurs, ne le voyait-on pas déjà en président des États-Unis ? Terminé. Mardi, la quarantaine de sénateurs qui l’ont interrogé sont restés courtois mais aucun, ou presque, n’est tombé dans la déférence avec son « friend » de Facebook. Même chez les républicains, la contrition affichée par Zuckerberg – « c’est mon erreur et j’en suis désolé », a-t-il affirmé à propos du scandale Cambridge Analytica – a fait flop :
« Vous vous excusez depuis quatorze ans », a lancé le conservateur John Thune, sénateur du Dakota du Sud. Un autre a renchéri : « Les tournées d’excuses, on a déjà donné. »
Zuckerberg était bien préparé, il a répondu patiemment aux questions les plus basiques de sénateurs souvent largués par la technicité des sujets. Sa stratégie ? Tout d’abord, reconnaître ses manquements. « Nous avons fait beaucoup d’erreurs en gérant cette société », a-t-il reconnu. L’ancien slogan officieux (« foncer et tant pis pour la casse ») en est « en partie » la raison, a-t-il reconnu, « mais l’erreur plus importante que nous avons commise est de ne pas avoir eu une vue assez large de notre responsabilité ». Plus spécifiquement, a-t-il ajouté, « l’un de mes plus grands regrets, à la tête de la compagnie, est notre lenteur à avoir identifié les opérations d’information russes en 2016 », pendant la campagne électorale. Un mea-culpa a minima.
On ne le refera plus, promis
Deuxième temps, dans son argumentaire : promettre que cela ne se reproduira plus ! « Nous devons jouer un rôle plus positif », « et je m’engage à faire ce qu’il faut ». Il a précisé les mesures déjà annoncées, détaillant à six reprises le nombre de salariés qui seront affectés à la sécurité et au contenu du site à la fin de l’année (20.000). Et le mot « contrôle » est revenu à… plus de 50 reprises, pour insister sur le fait que les usagers sont aux commandes. Facebook dégage 4 milliards de dollars de profits grâce à l’exploitation de vos données, certes, mais :
« Ces données vous appartiennent, au sens où c’est vous qui choisissez de les poster là, vous pouvez les retirer quand vous voulez et vous contrôlez les conditions de leur utilisation », a-t-il dit.
L’argumentation n’a pas fait un tabac, c’est le moins que l’on puisse dire, auprès de sénateurs sceptiques. Les plus agressifs sont revenus sur le scandale Cambridge Analytica, demandant à Zuckerberg pourquoi sa société n’avait pas prévenu en 2015 les 87 millions d’Américains dont les données personnelles avaient été obtenues par Cambridge. « Quand Cambridge Analytica nous a dit qu’ils n’utilisaient pas les données et les avaient effacées, nous avons considéré l’affaire classée », a-t-il avoué. Une simple négligence, en sorte.
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L’intervention mordante du sénateur républicain de la Louisiane John Kennedy a marqué les esprits :
« Voilà ce que tout le monde a essayé de vous dire aujourd’hui – et je vous le dis gentiment. Vos conditions d’utilisation sont nulles. (…) Leur but est de masquer les vrais objectifs de Facebook. Ce n’est pas d’informer vos utilisateurs sur leurs droits. (…) Je vous suggère de rentrer à la maison et de les réécrire. Dites [à vos avocats] que vous les voulez écrites en anglais, pour que l’Américain moyen soit capable de les comprendre. Ce serait un bon début. »
[...]
Mark Zuckerberg a profité de cette audition pour tordre le cou à une rumeur persistante concernant Facebook. Le sénateur démocrate du Michigan Gary Peters l’a interrogé à ce sujet :
« J’ai entendu pas mal de gens qui sont venus me parler d’une expérience qu’ils ont eue, alors qu’ils avaient une conversation avec des amis – pas au téléphone, ils parlaient juste comme ça. Et ensuite ils ont vu des publicités apparaître assez rapidement sur leur Facebook. J’ai entendu des électeurs craindre que Facebook récupère les données audio de leurs mobiles pour faire de la publicité ciblée. »
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Le journaliste du Monde explique ici les dangers de la collecte massive de données à partir de l’exemple de la société Cambridge Analytica. Cette dernière aurait permis d’influer sur l’élection de Donald Trump au profit des Russes. Une manip grotesque des services anglo-américains pour impliquer la Russie mais c’était pour montrer à quel point Facebook collaborait avec le pouvoir profond et à quel point les journalistes étaient alignés sur de fausses valeurs démocratiques...