La monnaie aujourd’hui utilisée dans 15 pays africains est fabriquée dans le Puy-de-Dôme. Elle suscite depuis plusieurs mois un vif débat sur le continent africain. Certains estiment qu’il faut le maintenir, quand d’autres préconisent de l’abandonner.
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Initialement, l’acronyme CFA signifiait « colonies françaises d’Afrique ». « Le franc CFA est issu de la colonisation », explique Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS en charge de l’Afrique. « Il s’est développé après la Seconde Guerre mondiale », poursuit le chercheur. Concrètement, le franc CFA est aujourd’hui utilisé dans deux unions monétaires distinctes disposant chacune d’une banque centrale :
• La communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui comprend le Cameroun, la Centrafrique, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad. • L’union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui regroupe le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Togo, le Bénin et la Guinée-Bissau.
L’acronyme CFA signifie désormais « coopération financière en Afrique » pour la première union monétaire et « communauté financière africaine » pour la seconde union monétaire. Le franc CFA est également utilisé aux Comores.
Comment fonctionne le franc CFA ?
Créé en 1945, le franc CFA est aujourd’hui rattaché à l’euro. Autrement dit, il a un taux de change fixe avec l’euro et suit donc les variations de la monnaie unique. Et pour garantir cette parité fixe, les pays de la « zone franc » doivent déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français.
« Il existe un accord entre le Trésor français et les banques centrales africaines des deux unions monétaires », explique l’économiste Samuel Guérineau, spécialiste d’économie du développement au CERDI (Université Clermont Auvergne). Concrètement, les banques centrales africaines ont un compte auprès du Trésor français : si elles ont besoin d’euros, le Trésor français leur prête. « C’est une autorisation de découvert, qui donne accès à un financement d’urgence », résume Samuel Guérineau. Cela permet aux banques centrales africaines de ne pas avoir de pénurie de liquidités. Enfin, leurs dépôts sont rémunérés, la France verse des intérêts.
Le franc CFA, entre avantages et inconvénients
Depuis plusieurs mois, le débat autour de la sortie ou du maintien du franc CFA a ressurgi en Afrique. D’après les spécialistes contactés par Le Figaro, cette monnaie comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Les voici :
Une monnaie très stable...
« L’avantage pour les pays africains, c’est d’avoir une monnaie garantie et fixe », explique Philippe Hugon. « C’est une monnaie stable », abonde Samuel Guérineau. « Jusqu’à présent, économiquement, le franc CFA a été plutôt une bonne chose pour les pays africains : il y a eu peu d’inflation et pas de crise de la balance des paiements. Il simplifie les échanges avec les pays de la zone euro », poursuit-il.
...mais qui est par moments surévaluée
Au rayon des inconvénients, les deux économistes citent un franc CFA « surévalué quand l’euro est trop fort ». « C’est bénéfique pour les pays qui importent du pétrole – libellé en dollar – mais cela pénalise les pays qui exportent car ils perdent de la compétitivité », explique Philippe Hugon.
Une dépendance symbolique forte
Mais c’est surtout sur le plan symbolique que le franc CFA cristallise le plus de critiques. « Le problème est essentiellement symbolique. Le droit de regard du Trésor français peut être perçu comme une atteinte à la souveraineté des banques centrales », analyse Philippe Hugon. « Il y a une dépendance symbolique forte », abonde Samuel Guérineau.
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Kako Nubukpo, économiste togolais et auteur de Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. À qui profite le franc CFA ?, avançait lui d’autres explications dans les colonnes du Monde, en septembre 2016. « Nous souffrons d’une mauvaise gouvernance chronique et il faut sortir de la “protection” qu’offre le CFA. Il a un effet anesthésiant car même en gérant mal les économies, les gouvernants sont sûrs que Paris sera toujours là pour couvrir leurs errements », expliquait-il alors.
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Comme le rappelle Samuel Guérineau, aucun obstacle juridique n’empêche cependant un pays qui le souhaiterait d’abandonner le franc CFA. Ce fût notamment le cas de Madagascar en 1973.