L’empire mondial semble apolitique du fait de ses prérogatives économico-financières, et géopolitiquement américano-centré de par sa puissance militaire. Mais dans ce projet de domination, qu’en est-il de notre France, « patrie des Droits de l’Homme », de sa mission universelle et de son indépendance stratégique ?
À l’ère Sarkozy, la question ne se posait pas : notre pays fut un caniche de luxe pour l’administration Obama : il faut voir comment il a mordu le molosse Kadhafi pour affirmer sa vassalité.
Auparavant, la participation à l’empire était plus complexe : suite à la Seconde Guerre mondiale, l’État français a tenté d’assurer sa place au niveau international, protégeant la francophonie sur les terres africaines pour contrer l’hégémonie grandissante de la culture anglo-saxonne dans le monde. Il crée alors une sphère d’influence en Afrique noire avec de nombreux présidents et dictateurs d’anciennes colonies mis en place et protégés par une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires organisée en réseaux. N’hésitez pas à lire et relire François-Xavier Verschave qui a fait table rase des réseaux Foccart, Pasqua ou Mitterrand et rétabli la vérité quant à la mise en place des régimes de Bongo au Gabon, Eyadema au Togo, Biya au Cameroun, Sassou-Nguesso au Congo, Compaoré au Burkina Faso et Deby au Tchad.
De la sorte, la France conserva sur ces terres riches, où est entretenue la misère, un accès privilégié aux matières premières généreuses. Elle détourna aussi d’autant plus facilement l’Aide Publique au Développement au profit des grands partis ou dirigeants politiques français et africains. Cette néo colonisation mafieuse a favorisé la domination économique d’entreprises françaises comme Elf, Areva ou Bouygues par un pillage réglementaire et systématique…
Quatorze pays privés de souveraineté monétaire
Et d’ailleurs c’est toujours le même « fascisme » financier qui, en pleine crise de la dette et de l’euro, n’hésite pas à maintenir l’un des principaux mécanismes institutionnels de cette Françafrique : le contrôle monétaire par le franc CFA (Franc des colonies françaises devenu le Franc de coopération financière africaine ou de communauté financière africaine selon les pays concernés). Et celui qui contrôle la monnaie contrôle l’économie, et donc détient le pouvoir.
Depuis plus de cinquante ans, les décisions de politique monétaire dépendent de l’accord de l’ancien colonisateur. Soit quatorze pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau et équatoriale, Mali, Niger, République du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) n’ayant aucune souveraineté monétaire.
Qui pour crier au scandale ? L’affaire est si énorme qu’elle ne semble plus indigner personne… Pas une ligne dans tous les journaux ! Et pourtant il y aurait de quoi faire une quinzaine de révolutions !
À la base, le franc CFA fut instauré comme monnaie convertible pour faciliter les transactions dans l’ensemble des colonies de la zone franc. La parité fut fixée à partir de 1948 : 100 francs CFA équivalaient alors à 2 francs français. Le tout dans un esprit de coopération pour mieux aider les États nouvellement indépendants à gérer leur monnaie. C’est, en tout cas, ce qui est écrit dans les livres, car à regarder concrètement, l’histoire témoigne plutôt d’une dépendance des États de la zone CFA avec la France que d’une coopération.
Extorsion légitime
Avant 1973, l’intégralité des recettes – ou devises – des ventes extérieures de tous les pays de la zone CFA était centralisée – donc déposée – dans des comptes d’opération en France, autrement dit au Trésor public français. Après 1973, seulement 65 % de ces recettes sont confisqués par l’État français. Enfin, depuis 2005, 50 % de ces capitaux sont réquisitionnés.
Oui, oui, vous avez bien compris, encore aujourd’hui donc, la moitié des réserves de changes de 14 pays africains reposent sur un compte d’opérations au Trésor public français ! Véritable spoliation donc de la part de l’État français, ce qui oblige une grande partie de l’Afrique à s’endetter toujours plus à travers le monde via, par exemple, le FMI ou la Banque mondiale ! Et bien sûr toujours au nom de la convertibilité censée faciliter les transactions…
Objectivement, l’austérité n’a pu que s’accroître sur un continent qui est le dernier à en avoir besoin. Une spoliation doublée d’une dette, rien de tel pour contraindre les États ciblés à réduire encore et toujours les dépenses publiques : éducation, santé, subvention des denrées de première nécessité… Quand on sait qu’aujourd’hui la principale nature de l’action politique en Afrique est d’ordre sociale, on peut percevoir l’étendue des dégâts… criminels.
Avec l’Afrique, on n’est jamais déçu, quand on cherche pire, rien de plus facile à trouver : début 1994, dans l’ère Mitterrand-Balladur, sous la pression de la communauté internationale – l’Empire donc –, le franc CFA est dévalué de 50 % (donc 100 francs CFA valent alors 1 franc français). Soit disant pour rendre l’économie africaine encore plus compétitive et maintenir l’unité de la zone franc, histoire d’être toujours en règle avec le… FMI et la Banque mondiale !
Mais qu’est ce qu’un ajustement monétaire pour une économie sous-développée ?
Une dévaluation de 50 % c’est la garantie d’une dette publique qui va être doublée (déjà que, souvenez-vous, la moitié des devises vont directement dans le coffre du Trésor français). C’est aussi des importations plus chères (sachant que ces pays importaient avant tout des matériaux de construction, on comprend mieux la multiplication alors des logements précaires en bois par exemple). C’est enfin la fermeture des petites et moyennes entreprises. Bref, c’est la garantie du niveau de vie de la population qui ne cesse de régresser. Mais c’est toujours pareil avec les économistes : le sacrifice du présent est nécessaire au bonheur futur… Ce sont les chiffres qui le disent !
Pour finir le dossier, il faut rappeler que depuis le début, 1948 donc, le gouvernement français contrôle la BCAO et la BCAC, les banques centrales d’Afrique de l’Ouest et centrale, par son droit de vote déterminant et surtout son droit de véto quant aux orientations monétaires prises.
Tant que le franc CFA restera indexé sur l’euro via le Trésor français, la sujétion coloniale de l’Afrique n’est pas prête de s’achever. Autrement dit dès que la France tousse, c’est la pneumonie assurée pour l’Afrique…
Et Hollande dans tout ça ?
Il y a trois semaines notre chef de l’État aurait dit sa foi en l’avenir économique du continent. C’est ainsi qu’il voit se tourner la page de la Françafrique, pardi !
Mais vous l’aurez compris, notre cher président, en digne héritier de Mitterrand et Chirac, agira de manière sournoise mais très efficace. Et tout se passera sans que personne ne s’indigne… Regardez pour le Mali actuellement !
C’est que le Sarkozy nous avait habitué à autre chose, avec sa façon à l’américaine, assumée, franche : on envoie l’armée, on bombarde, on fait sauter les verrous et les résistances. Côte-d’Ivoire, Libye… Vous avez déjà oublié ?