Premier enseignement : Obama élu par les minorités ethniques
Les derniers sondages donnaient les deux candidats à l’élection présidentielle américaine au coude à coude, certains envisageant même le scénario de l’égalité quasi parfaite de score entre Barack Obama et Mitt Romney. Ce dernier scénario n’a pas eu lieu.
À ce stade du décompte, Obama emporte 303 grands électeurs contre 206 à Mitt Romney. Il est vrai qu’en termes de voix populaires, c’est-à-dire le premier degré électif dans un tel système de suffrage indirect, Romney semble devancer le vainqueur. Qu’est-ce qui a donc permis la victoire d’Obama ?
Le taux d’abstention est resté modéré et les minorités ethniques ont voté à nouveau massivement en faveur d’Obama. Les non-Blancs, qui constituaient 24% du corps électoral en 2008, représentent désormais 26%. Cette augmentation, qui s’explique par l’immigration et par une croissance naturelle plus forte, a clairement avantagé Obama.
Dans le détail, selon des sondages commandés par CNN et le New York Times, 93 % des Noirs ont voté Obama, de même que 71 % des Hispaniques et 70 % des Juifs. De leur côté, les Blancs ont voté à 59 % pour Romney.
Ces valeurs sont proches de celles de 2008 mais montrent quand même un renforcement de la ségrégation électorale : les Hispaniques et les Asiatiques ont été plus nombreux qu’en 2008 à voter démocrate. Ce n’est toutefois pas le cas des Noirs et des Juifs, sans doute déçus par la présidence Obama. De même, les Blancs sont de plus en plus nombreux à voter républicain.
La fracture raciale et ethnique n’est pas la seule clé du scrutin mais reste la principale. Il faut en effet tenir compte du vote religieux : les catholiques conservent une certaine tradition démocrate, même quand ils sont blancs ! Cette tradition semble toutefois en voie de s‘estomper : cette année, presque la moitié des catholiques ont voté républicain. Le facteur ethno-racial semble donc être plus que jamais un élément de poids dans la sociologie américaine.
Deuxième enseignement : les élections aux États-Unis consacrent la victoire de l’oligarchie américaine
L’élection présidentielle américaine fut la plus chère de l’histoire du pays. On estime le coût total de cette campagne de 2012 à 5,8 milliards de dollars [1], soit 10 % de plus qu’en 2008. Plus d’un million d’écrans publicitaires ont été diffusés à la télévision américaine, une hausse de 40 % par rapport à celle de 2008.
Le poids de l’argent dans le système électoral américain s’explique par le fait que les États-Unis font reposer massivement le financement des campagnes électorales sur les dons privés. L’oligarchie américaine tient donc les rênes du jeu politique, comme l’illustrent les ingérences du financier Warren Buffet au sein des démocrates, et des pétroliers Koch ou du casinotier Adelson chez les républicains. Depuis janvier 2012 et le vote par le Congrès d’une loi réformant le financement de la campagne, les candidats ont la possibilité d’avoir recours de manière illimitée aux dons des entreprises privées.
Des entreprises prennent position ouvertement mais, à vrai dire, ce sont souvent les mêmes qui furent successivement les financeurs de Barack Obama et de Mitt Romney. La banque d’investissements Goldman Sachs, traditionnel soutien des démocrates, qui avait versé plus de 1 million de dollars pour la campagne d’Obama en 2008, a également déboursé 1,8 million de dollars pour Mitt Romney. Le candidat républicain a reçu des fonds de la part des établissements Bank of America et Morgan Stanley, tandis qu’Obama était financé par l’université de Californie, Microsoft et Google.
Quoi qu’il en soit, être élu sans le soutien des donateurs privés est mission impossible.
Perspectives du retour à la réalité : les États-Unis se rapprochent du fond de l’impasse financière
Les intérêts financiers à l’œuvre dans l’élection présidentielle américaine avaient une préoccupation commune. Ils l’ont fait partager aux deux candidats, à Obama au premier chef. Il s’agit d’éviter l’effondrement de l’empire monétaire et financier américain. Un des premiers mots de Mitt Romney, après avoir reconnu sa défaite, a d’ailleurs été de plaider pour une entente entre démocrates et républicains, sur la « falaise budgétaire » qui attend les États-Unis.
Bien que les États-Unis semblent en meilleur point que les Européens, comme ils ont réussi à le faire croire aux opinions publiques occidentales, ils sont à la merci d’une menace budgétaire et financière. Il est vrai que la croissance américaine est supérieure à la croissance européenne – du moins selon les statistiques officielles, contestées par le site internet shadowstats.com ; ces contre-experts estiment en effet que le produit intérieur brut américain est surestimé de 30%.
Incontestés sont en revanche les chiffres du déficit budgétaire – 7% en 2012 – et de la dette publique. Cette dette dépasse 100% du PIB et va bientôt atteindre le plafond qui a été fixé par la loi en 2011. Or, que se passera-t-il lorsque ce plafond sera atteint, en février prochain ?
Démocrates et républicains devront trouver un accord, associant économies budgétaires et hausses d’impôts, pour accompagner la seule solution vraiment envisagée : la hausse du plafond d’endettement, pour permettre aux Américains de s’endetter encore plus !
Dans son livre intitulée La Fin du dollar, Myret Zaki dénonce la bulle spéculative qu’est devenu le dollar : la monnaie américaine est dopée à la planche à billets, aux statistiques biaisées et à la spéculation du secteur financier anglo-saxon. Obama et ses alliés de circonstance auront clairement pour mission d’éviter que cette bulle spéculative n’éclate, quitte à allumer de nouveaux contre-feux en relançant les attaques spéculatives contre l’euro.
Carl Hubert, Pierre Montcalm et Noël Petit