En pleine souffrance face à la baisse du prix des matières premières et au ralentissement chinois, l’économie africaine paie le prix de « l’euphorie » du début des années 2010, explique le spécialiste de l’Afrique Bernard Lugan.
Après l’euphorie des années 2010, la réalité économique africaine du début de l’année 2016 est morose. La baisse du prix du pétrole a en effet des conséquences catastrophiques pour les pays producteurs africains car, après avoir atteint un pic à plus de 145 dollars en 2008, début 2016, le baril était descendu sous la barre des 30 dollars.
Pour des pays comme l’Algérie, l’Angola, le Gabon, le Nigeria, la Guinée équatoriale et bien d’autres, dont toute l’économie repose sur les exportations d’or noir, la situation est grave.
Cependant, tous les pays africains n’étant pas producteurs de pétrole, l’on aurait pu penser que la baisse des cours allait alléger la facture énergétique des pays importateurs et leur permettre de doper leur croissance. Or, à ce jour, il n’en est rien. Il en est d’ailleurs de même en ce qui concerne la croissance mondiale.
Pour l’Afrique, le résultat de cette situation est gravissime car une quinzaine de pays sur 52 sont des monoproducteurs tirant entre 75 et 98 % de leurs recettes de la manne des hydrocarbures (les pays producteurs de minerais sont également affectés par la baisse des cours du cuivre, du fer etc.). Ce sont les « locomotives » économiques africaines dont les experts ont tant vanté le « démarrage » durant les années 2013 et 2014. C’est en ayant les yeux fixés sur leurs courbes de croissance qu’ils ont pu écrire que l’Afrique avait démarré. Hélas, ce prétendu « décollage » était suspendu à une envolée artificielle et passagère des cours.
Or, ces pays qui s’étaient subitement enrichis et qui, pensant que la manne était éternelle, ont dépensé sans compter, se trouvent aujourd’hui face à des échéances qui ne sont plus couvertes. Les voilà donc contraints de s’endetter pour continuer à financer des projets non soldés ou tout simplement pour acheter la paix sociale et éviter la révolution. A peine sortis de la mortelle spirale de l’endettement des années 1980-1990, les voilà donc qui y replongent en priant pour que la remontée des cours se produise vite.
Si nous ajoutons à la trentaine de pays vivant de l’exportation des matières premières pétrolières et minières, ceux qui sont ravagés par des guerres civiles, ethniques et religieuses, la situation du continent est donc très préoccupante, sur fond de suicide démographique.
« Le pétrole est donc potentiellement abondant car il y a en réalité du pétrole partout dans le monde et les progrès constants de la technologie permettent de l’extraire à des profondeurs de plus en plus grandes »
Selon les experts, le rééquilibrage des prix du pétrole ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année 2016, mais trois éléments permettent de douter de cet optimisme :
1 - La concurrence entre les producteurs. L’Iran qui veut reconquérir ses parts de marché va en effet augmenter sa production, or, son prix d’extraction variant entre 3 et 7 dollars le baril, Téhéran a annoncé qu’il allait vendre son baril moins cher que celui de son concurrent saoudien.
2 - À l’époque du pétrole cher et des annonces de fin des réserves, le fameux peak oil, de nombreuses prospections ont été faites et de nouvelles zones pétrolières ont été découvertes, notamment loin des régions politiquement et géopolitiquement en crise, sensibles ou menacées. Sans parler des huiles de schiste. Le pétrole est donc potentiellement abondant car, contrairement aux prévisions alarmistes, il y a en réalité du pétrole partout dans le monde et les progrès constants de la technologie permettent de l’extraire à des profondeurs de plus en plus grandes. C’est d’ailleurs en partie ce qui explique la politique saoudienne de surproduction destinée à décourager la prospection ou la mise en production dans ces nouvelles zones.
3 - De nouvelles techniques permettent de prolonger la durée de vie de bien des gisements.
La surabondance pétrolière devrait donc durer et, seule une crise majeure affectant le Moyen-Orient et le Golfe persique pourrait inverser en profondeur cette tendance.