Selon un rapport mené par trois organisations, Amazon France aurait dissimulé 57 % de son chiffre d’affaires réalisé en 2017 sur le territoire national. La politique sociale et l’impact écologique de la multinationale sont également mis en cause.
Amazon a-t-il pu devenir leader mondial de la vente en ligne en s’affranchissant de règles et de lois que les petits commerces, eux, sont bien obligés respecter ? C’est ce qu’affirme un rapport d’Attac France, des Amis de la Terre et du syndicat Solidaires publié le 24 novembre.
Concurrence déloyale
Les auteurs du texte accusent ainsi Amazon d’avoir dissimulé en France 57 % de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national en 2017. Alors que cette année-là, Amazon France déclarait 1,67 milliard d’euros de chiffre d’affaires, l’enquête démontre qu’en réalité celui-ci aurait été de 3,9 milliards d’euros. « Une évasion fiscale massive » pratiquée par la multinationale qui déplacerait, selon le rapport, « une grande partie de ses bénéfices vers l’étranger ». Ce procédé qui lui permettrait de caracoler à la tête de la bourse mondiale constitue un deux poids deux mesures vis-à-vis de ses concurrents, plus petits, qui paient proportionnellement davantage d’impôts et qui, face au géant des GAFA (Google, Amazon, Facebook, APPLE), peinent à survivre.
Amazon se facturait ses propres services pour diminuer son résultat sur le sol français
Pour s’affranchir des lois françaises en matière de fiscalité, Amazon facturerait une grande partie de ses services depuis d’autres pays, notamment le Luxembourg, connu pour ses avantages fiscaux. Et comme si cela ne suffisait pas, jusqu’à 2015, la filiale française de l’entreprise aurait payé, selon le document, « des sommes colossales pour utiliser la marque détenue… par une filiale luxembourgeoise ». Amazon se serait, de la sorte, facturé « ses propres services pour diminuer son résultat sur le sol français », et payer le moins d’impôts possible, au nez et à la barbe des petits commerçants et du contribuable français.
Pour faire face aux autorités publiques en matière d’application des lois, Amazon tablerait sur sa puissance de lobbyiste. Selon l’enquête, le géant missionnerait en effet « régulièrement des cabinets de lobbying pour l’aider à influencer la législation en sa faveur ». « En Europe, Amazon dépense chaque année entre 100 000 et 150 000 euros pour obstruer toute avancée législative sur l’encadrement et le traitement des données personnelles et près de 2 millions d’euros au total en 2017 », peut-on encore lire dans le rapport.
Des pratiques sociales qui mènent à l’épuisement
« Rationalisation totale de l’exécution du travail où chaque mouvement est pensé pour un maximum d’"efficacité" et de "vitesse" » : les salariés d’Amazon sont par ailleurs soumis à des rythmes de travail permettant la livraison de 10 millions de produits dès le lendemain de la commande. Pour tenir cette cadence, ils seraient surveillés au quotidien par des dispositifs électroniques. Le rapport dénonce à cet égard le recours massif aux travailleurs « précaires », aux livreurs « ubérisés », et la mise en concurrence des humains avec des robots dans les entrepôts. En France, le rapport corrobore le constat du député LREM Mounir Mahjoubi : pour un emploi créé par Amazon, deux emplois sont détruits dans les commerces de proximité.
« Une bombe pour le climat »
Une bonne partie du rapport dénonce également les méfaits d’Amazon dans le domaine de l’écologie. L’enquête pointe ainsi son bilan carbone « sous-évalué ». « Transport des colis, stockage de données, services de streaming, hébergement de millions de sites web par Amazon Web Services, traitement des déchets électroniques, artificialisation des sols, et fabrication des 15 milliards de produits vendus sur le site, le modèle économique d’Amazon génère de très lourds impacts environnementaux », expliquent les auteurs de l’enquête.
À titre d’exemple, en 2018, « les centres de données d’Amazon auraient consommé 198 TWh, soit 1 % de l’électricité mondiale, plus que la consommation de la Thaïlande, la Pologne ou l’Égypte ». En effet, le rapport explique que pour stocker les masses de données, les centres informatiques ont besoin de ressources, notamment métalliques, et de production d’électricité. « Amazon Web Services aurait ainsi émis 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, soit l’équivalent des émissions du Portugal ! », s’alarme le rapport.