À l’instar du quai d’Orsay dissuadant les ressortissants français de se risquer dans des régions du globe ensauvagées, la NAACP [1] vient de mettre en garde les citoyens afro-américains contre le péril floridien. Avertissement pertinent ou discours dramatisant ?
Le 20 mai dernier, l’Association nationale pour l’avancement des gens colorés diffusait un communiqué invitant la communauté noire américaine à éviter le Sunshine State, en raison d’un climat ambiant apparemment hostile pour les Afros et les homos [2]. Selon le président de la NAACP, en effet, le gouverneur républicain Ron DeSantis y aurait engagé une « guerre ouverte contre les principes d’inclusion et de diversité » afin d’assouvir les bas instincts d’une base électorale minoritaire et extrémiste. Des mots forts pour une situation grave.
À dire vrai d’un point de vue LGBT, la conjoncture est préoccupante en Floride. En l’espace de trois mois, DeSantis a d’abord proscrit tout enseignement sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en maternelle et primaire. Puis il a interdit les gesticulations chorégraphiées d’adultes libidineux devant des enfants, avant de supprimer les soins liés aux transitions de genre chez les mineurs [3]. Enfin, il a signé une loi automatisant la peine de mort pour les violeurs d’enfants, défiant la jurisprudence de la Cour suprême en la matière. Pas sympa.
Et le constat n’est guère plus réjouissant pour les Afro-Américains. La NAACP l’affirme, la communauté noire continue d’être la cible de brutalités policières injustifiées, qui plus est directement soutenues par l’administration DeSantis. Dernièrement, à Miami, pendant les désormais traditionnelles émeutes de Spring Break (fête étudiante post-examen en mars), les arrestations ont principalement touché les jeunes hommes noirs descendus en ville [4] : preuve s’il en fallait que profilage ethnique et racisme systémique y restent rampants.
Hélas pour les détracteurs du gouverneur, la vie est douce en Floride. Au-delà d’une météo qui met naturellement de bonne humeur, la politique conservatrice y promeut la tradition et l’ordre ; deux préceptes plébiscités par quiconque aspire à la tranquillité. Ainsi Leon Russell lui-même, figure proéminente de l’exécutif de la NAACP, se refuse à quitter l’État ensoleillé, ses plages de sable gris et la ville de Tampa où il s’est établi [5]. Les mauvaises langues diront qu’il est délicat d’être à cheval sur ses principes quand on est si mauvais cavalier...
Ne versant heureusement pas dans ces mesquineries de bas étage, nous saluons de bon cœur le courage du capitaine refusant de quitter le navire en perdition. Et nous déplorons tout naturellement que le vaillant moussaillon ne puisse désormais plus compter sur l’assistance de Black Lives Matter, colossal chalutier ratisseur de fonds (financiers, pas marins) qui devrait bientôt déclarer banqueroute avec un déficit de huit millions de dollars sur l’année [6]. Décidément, les emmerdes volent toujours en escadrille même sous le soleil de Floride.