Alors que la complice de Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell, semble avoir disparu de la surface de la Terre, les médias n’évoquent que fort peu la façon dont je me suis battu au cours d’une longue guerre contre son père Robert et du rôle que j’ai joué dans sa chute.
Compte tenu de l’ancienneté des faits, il ne serait guère utile de les rappeler si cela ne mettait en lumière, ou plutôt n’introduisait une ombre de suspicion, sur l’enfant préféré de Maxwell, Ghislaine, au centre d’une histoire sombre et fascinante aussi étrange que celle qui couvrait son défunt père.
J’ai rencontré Robert Maxwell pour la première fois au début des années 1980, quand il était un nabab de la presse, extrêmement puissant et intimidant. C’était dans la salle verte de l’émission phare de la BBC, L’Heure des questions, animée par Sir Robin Day, alors doyen des huiles de la BBC.
« Ah, Monsieur Galway (sic) », m’avait lancé Maxwell, « l’homme de l’OLP ». À ce moment, il me donna un coup de poing si fort dans le plexus solaire que je me suis plié en deux, les larmes aux yeux. Comme il était bien séant dans l’ordre établi britannique de l’époque, mes collègues et Sir Robin lui-même détournèrent les yeux et prétendirent ne rien avoir vu.
À l’époque, et pour près d’une décennie, j’étais étroitement associé au magazine satirique britannique Private Eye, j’écrivais régulièrement et fournissais des histoires et des pistes pour le compte d’autres personnes, assistant régulièrement aux légendaires déjeuners de Private Eye au restaurant de Soho, The Coach and Horses présidé par le fondateur et éditeur du magazine, Richard Ingrams.
Environ un an après le premier coup que m’avait porté Maxwell, j’ai soumis à Private Eye un article qui, embelli par d’autres, a été publié, et en conséquence de quoi il nous a poursuivis et mené une bataille épique devant les tribunaux, bataille qu’il a gagnée.
Bien que l’éditeur Richard Ingrams ait passé une nuit en cellule pour avoir refusé de me nommer comme sa source, il devint bientôt évident pour Maxwell que j’étais la source et nous avons engagé une guerre d’usure qui a duré jusqu’à sa mort.
En octobre 1991, Seymour Hersh, auteur et lauréat du prix Pulitzer, m’a fait remettre chez moi, tard un samedi soir, un dossier contenant le résumé de son livre dans lequel il avait formulé de graves accusations contre Maxwell. Le pouvoir de Maxwell était tellement redoutable, à cette époque, qu’il avait obtenu des injonctions de pré-publication à l’encontre de toute personne qui en publierait un mot, qui l’imprimerait, qui le distribuerait, et qui le vendrait. En Grande-Bretagne, le livre de Hersh n’existait pas.
Mais, en tant que membre du Parlement je jouissais de l’ancien droit au privilège légal sur tout ce que j’avais dit au Parlement ou publié à l’Ordre du jour. De plus, n’importe qui pourrait également rapporter de manière équitable tout ce que j’avais dit ou écrit dans cette déclaration. Et c’est ce que j’ai fait.
Entre autres, j’ai accusé Maxwell d’être un voleur, d’avoir volé les fonds de pension de ses propres employés, d’être un agent du service de renseignement israélien, le Mossad, et d’avoir trahi le lieu à Londres où se trouvait le courageux lanceur d’alertes juif israélien Mordechai Vanunu, ayant pour conséquence son enlèvement. Drogué et les mâchoires prises dans une muselière comme Hannibal Lecter pour s’assurer de son silence, il fut livré à Israël où il a finalement passé des décennies au mitard. Même maintenant il n’est libre ni de parler ni de voyager.
Mes allégations ont explosé comme une bombe nucléaire dans la vie de Robert Maxwell.
Il a ordonné à ses sbires journalistes – dont il avait volé les fonds de retraite – de « pisser partout sur Galloway », et c’est bien ce qu’ils ont promptement fait.
En première de ses six journaux nationaux, ils m’ont qualifié de « chacal » de « charognard fouille merde », « d’ami des terroristes arabes » – Ah, Monsieur Galloway (sic) l’homme de l’OLP – et surtout d’avoir menti et re-menti à propos de leur patron.
Quelques semaines plus tard, le vol des fonds de pension a été dévoilé, mais Maxwell était décédé, tombé, sauté ou poussé à l’eau de l’arrière de son yacht, le Lady Ghislaine, au large des îles Canaries. Maxwell a été enterré au Mont des Oliviers en présence du président et du Premier ministre israéliens, et pas moins de sept anciens et actuels dirigeants du Mossad. Dans son éloge funèbre, hommage a été rendu aux « services extraordinaires » qu’il avait rendus à Israël. Toute l’histoire précise de ses « services » avait été enterrée avec lui à Jérusalem.
Le yacht fatidique s’appelait Lady Ghislaine parce que Ghislaine était son enfant préféré – il avait d’autres filles pour nommer son yacht. Elle était sa préférée pour une raison. De tous ses frères et sœurs, Ghislaine Maxwell était celle qui lui ressemblait le plus.
Le corps du père de Ghislaine Maxwell a péri dans les eaux sombres et troubles de l’intrigue internationale. D’où émergera-t-elle ? Mystère. Quel « service extraordinaire » a-t-elle rendu et à qui, c’est ce qu’il nous reste également à savoir.