Ce n’est pas une surprise, les Français avaient déjà appris en 1986 dans La Nomenklatura française que, de maroquins en prébendes, de sinécures en fromages, l’État français était un énorme « machin » où régnaient des réseaux liés par les cursus d’études, par la classe sociale assurément, parfois même par le sang. Depuis lors, cette immense pieuvre lourde d’inertie et pharaoniquement coûteuse a été progressivement doublée d’une couche constituée de cabinets privés programmés in fine pour se substituer à cette nomenklatura qu’on a montrée du doigt dans tous ses défauts. Le coup d’État bourgeois face à la lourdeur et le coût astronomique d’une monarchie devenue obèse et outrecuidante se jouait à nouveau.
Beaucoup de raisons ont entraîné l’apparition de ces cabinets de conseil privés et leur consultation de plus en plus systématique par les administrations. L’infiltration progressive de sociétés privées qui entendent se rendre indispensables, parfois à l’aide de petites valises ou autres coups de pouce divers, s’est faite au nom de l’efficacité (versus l’inefficacité du fonctionnaire – mythe parfois fondé), sur le dos d’économies pour le contribuable (ce qui, comme toujours, finit par lui coûter plus cher), mais aussi la pusillanimité de chefs fonctionnaires ne voulant pas prendre le risque d’une décision personnelle et trouveront chez un cabinet de consulting un bouc émissaire bien pratique en cas d’échec.
Il est rappelé dans cette interview le cas anecdotique mais emblématique du général Pierre de Villiers, frère de Philippe, qui démissionna de son poste de chef d’État-Major des armées en raison de son désaccord sur la réduction globale des dépenses publiques du budget de la défense, se disant « indéfectiblement attaché à [s]on pays et à ses armées ». C’est sur ces paroles qu’il rejoignit aussitôt le Boston Consulting Group (BCG), un des plus gros cabinets de conseil américain...