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Duel patriot-Kinjal : entre considérations stratégiques, industrielles et commerciales

Les conflits sont souvent l’occasion pour les pays qui y prennent part de tester leurs nouvelles armes, mesurer leur efficacité et à s’adapter aux tactiques de l’adversaire. L’actuelle guerre en Ukraine ne fait évidemment pas exception.

 

En effet, le conflit ukrainien offre à la Russie la possibilité d’utiliser les fameux missiles hypersoniques Kinjal – réputés imparables – pour détruire les infrastructures ennemies. Pour faire face à ce type d’arme inédit, les États-Unis ont déployé en Ukraine des systèmes de défenses anti-aériens Patriot. Kiev aurait ainsi disposé de trois batteries de défense parmi les plus modernes qui soient, dotées entre autre d’un radar conçu pour détecter des cibles hypersoniques.

Dans ce duel entre armes dernier cri, tout l’enjeu pour les Russes et les Américains est de mesurer leurs capacités d’attaque et de défense, de collecter des données sur les systèmes les plus modernes de l’adversaire (les fréquences radar utilisées, la réactivité, la tactique d’utilisation, le comportement des lanceurs, projectiles et intercepteurs) ainsi que le meilleur moyen d’en venir à bout.

Il semblerait que les armes russes soient supérieures aux systèmes de défense américains. En effet, il y a deux semaines, les officiels américains ont reconnu que lors d’une attaque nocturne sur Kiev, les missiles Kinjal étaient parvenus à endommager une première batterie. Il y a une semaine, à la suite d’attaques à la roquette sur la capitale ukrainienne, un autre système Patriot a été pris pour cible et, selon des sources turques, détruite. Le samedi 3 juin, la troisième batterie anti-aérienne a été attaquée, et apparemment détruite.

Si la vitesse hypersonique des Kinjal – 10 fois la vitesse du son – rend cette arme particulièrement destructrice, la manière dont les militaires russes l’emploient l’est tout autant. En effet, pour détecter les batteries Patriot, la Russie envoie d’abord des missiles de croisière conventionnels équipés de renseignements électroniques et satellitaires. Et puis un missile hypersonique est lancé vers la batterie. Le commandant de l’installation, voyant approcher un missile qu’il ne peut pas détruire, commence dans la panique à lancer tous les missiles de la batterie, après quoi celle-ci est détruite.

Ainsi, en fournissant des armes de plus en plus modernes à l’Ukraine, l’OTAN dévoile en réalité ses matériels et ses tactiques de combat, ce qui permettrait à l’industrie militaire russe de se moderniser progressivement, sans risque de subir une défaite dramatique. Ce constat, étayé par les récents succès des Kinjal russes face aux Patriot américains, conduit certains think tanks américains tels que la RAND et la CNAS à penser qu’il conviendrait de « cesser d’entraîner les Russes ».

À cela s’ajoute un problème supplémentaire. Dans une interview accordée au Wall Street Journal et publié le 3 juin – date de la probable destruction de la troisième et dernière batterie Patriot –, le président ukrainien Zelensky a déclaré que son pays avait besoin de 50 batteries anti-aériennes pour protéger à la fois les plus grandes villes et les unités de combat contre les menaces aériennes. Une demande qui, si elle était accordée, coûterait 55 milliards de dollars. Cependant, les livraisons de ces équipements dans tels volumes dépassent largement les capacités de productions de l’énorme industrie de défense américaine. Certes, les pays de l’OTAN possèdent beaucoup de Patriot et pourraient en céder à l’Ukraine, mais accepteront-ils de dénuder leur défense anti-aérienne sur leur propre territoire ? Surtout que l’espérance de vie d’une batterie Patriot sur le sol ukrainien n’est plus si grande qu’on le pensait. En l’espace de deux semaines, les Russes en ont détruit ou endommagé trois.

Or, cette situation laisse apparaitre un troisième problème pour les Américains. Suite aux récents succès des forces aérospatiales russes sur les positions tenues et protégées par les Patriot, il est difficile de trouver une pire publicité pour cette batterie anti-aérienne. Qui dépenserait maintenant un milliard de dollars pour un lance-pierre ?

 

 

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13 Commentaires

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  • A la dernière question "qui dépenserait 1 milliard pour un lance-pierre ?" La réponse est toute trouvée ; tous les pays occidentaux larbins des États-Unis, d’ailleurs ils l’ont bien prouvés avec le F-35.

     

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    • Il vole le F35 ?
      Aux dernières nouvelles il était bourré d’équipements non aboutis et inopérants quasiment, de faiblesses moteur et des rallonges de budget pharaoniques.

      Ou alors je confonds avec un autre dont on a arrêté le projet (F22 ?)

      Il doit avoir à peu près l’utilité d’un disque de ball-trap.
      Show must go on comme on dit à Hollywood.

       
  • #3189745

    Très bien rédigé, en total accord avec l’une des dernières analyses de Xavier Moreau qu’il nous partage, dans son immense bonté.
    Que Dieu vous garde et vous bénisse.

     

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  • Le patriot c’est pas un projet de pfizzer par hasard. Le truc censé être le nec plus ultra.

     

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    • La comparaison avec Pfizer est pertinente, car dans les 2 cas, on retrouve l’implication d’ Israel, comme site expérimental programmé pour donner de faux résultats, évidemment positifs et sans faille .
      Les patriots arrêteraient toutes les roquettes lancées depuis Gaza, alors qu’au moins 90% d’entre elles s’écrasent dans les champs. D’ailleurs, je reste très perplexe sur ces roquettes lancées par centaines, mais qui détruisent 3 poulaillers ou font tout au plus 1 seul mort, coté israélien . Ce qui autorise ensuite Israel à bombarder Gaza à très haute altitude, en faisant 10 à 100 fois plus de victimes . Mais s’il y a si peu de victimes israéliennes, ce ne seraient pas parce les palestiniens ne savent pas viser, ou tirent trop court, ce serait uniquement grace aux patriots .
      Quand au vaccin Pfizer, il a été donné quasiment gratuitement à Israel, à condition qu’ils en soient les 1ers utilisateurs mondiaux et qu’ils vantent l’efficacité de ce vaccin

       
  • Vous auriez la source de la citation "cesser d’entraîner les russes" car elle m’a fait beaucoup rire.

     

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    • Rappelons une évidence : on ne mène pas une guerre pour « entraîner » ses effectifs ou comme moyen pour recycler ses armements, on la mène pour vaincre l’adversaire et remplir pleinement des objectifs tactiques et stratégiques préétablis.

      Quels étaient ces objectifs - officiels - pour la partie russe : démilitariser l’Ukraine ? Comme Prigogine lui-même l’a soulevé, c’est mal barré, les Ukrainiens recevant des Occidentaux un flux continu de matériels plus modernes et à de meilleurs standards en remplacement de ceux qu’ils ont perdus.

      La « dénazifier » ? Là aussi c’est mal barré, cette guerre ayant exacerbé le sentiment nationaliste ukrainien.

      Conquérir le Dombass pour mettre fin au bombardements des populations civiles russophones ? Après quinze mois de guerre de haute intensité cet objectif n’est non seulement toujours pas obtenu, mais même pire : le territoire russe frontalier est à présent quotidiennement et massivement bombardé par les Ukrainiens.

      Reste deux objectifs officieux de cette campagne :

      1/ Prendre Kiev et renverser le régime. Ce fut un désastre pour l’armée russe s’agissant de l’approche (ne parlons même pas de la prise) de la capitale. Pour ce qui est de renverser le régime ça n’en prend pas le chemin. Cela dépendra certes des résultats de l’offensive en préparation, des pertes associées et qui vont venir se cumuler avec toutes celles enregistrées depuis le début du conflit, et in fine du mécontentement général parmi la population.

      2/ Obtenir la perte du soutien occidental à l’Ukraine (donc sa défaite quasi instantanée) en entraînant un effondrement socio-économique de tout l’Occident par le truchement des effets rétroactifs et suicidaires des sanctions prise à son encontre. Ce n’est pas garanti mais ce n’est pas impossible ni même improbable. C’est sans doute la meilleure carte à jouer pour les Russes, car je ne les vois pas forcer militairement la décision sur le terrain, tout au plus, et dans le meilleur des cas, sauvegarder les positions acquises de (très) haute lutte.

      Mais encore cela déprendra-t-il de la réussite on non de l’offensive, des offensives ukrainiennes annoncées.

       
  • #3189800

    1 milliard la batterie Patriot. Incroyable !

     

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  • Il faut néanmoins comparer ce qui est comparable. Le concurrent direct du système "patriot" est le S400 russe, avec en bonus les S450 et S500. Toutes ces armes font régulièrement leurs preuves contre des missiles conventionnels et autres drones suicides.
    Par contre, seule la Russie exploite les missiles hypersoniques d’attaque, les otaniens étant à la ramasse dans ce domaine. Reste à savoir maintenant si la Russie sortira son système de défense anti missiles hypersoniques (S600 ?) avant l’éventuel prochain engin hypersonique otaniens ? Cette hypothèse envisageable risquerait de confirmer la mort cérébrale de l’otan, encore une fois.
    Mais peut-être qu’avec "chat gpt", le "tomawak" trouverait un second souffle dans les conflits de haute intensité seulement, mais pas pour celui de très très haute intensité se profilant.

     

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  • Ce genre d’article risque de filer l’idée à Zelensky, de réclamer un... loyer, pour utilisation, par des étrangers, de son territoire, aux fins d’y essayer de l’armement...

     

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  • #3189997

    Les armes étatsuniennes sont chères à cause des pots de vin. Elles sont inefficaces contre une armée moderne (la Serbie avait abattu plusieurs avions otaniens avec un simple S 125), fragiles et nécessitent mises à jour et maintenance permanente.

     

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  • Bon, pour faire simple, Poutine est un judoka confirmé. Il se sert des forces américaines pour améliorer les siennes.

    La question est quand ?

    Combien de temps les Américains pourront-ils tenir la cadence, sachant que tout ce qu’ils fournissent ne sert à rien d’autre qu’à les affaiblir dans la durée ?

    Surtout, s’ils leurs venaient l’idée saugrenue de rentrer en conflit direct avec le Russes !

     

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