Le 24 octobre 1929, il y a exactement 85 ans, la bourse de New York subissait une chute historique de son cours. Ce fut le fameux Jeudi noir, le Krach de Wall Street.
Dans l’inconscient collectif, et le récit historique qui en est fait, ce « tremblement de terre » marqua le début de la Grande Dépression des années trente. Cependant, une étude attentive des événements permet d’affirmer que les raisons profondes de cette crise résident ailleurs. La bourse de Wall Street, aussi condamnable soit-elle, n’est pas responsable de la crise. Elle n’a fait qu’accélérer l’inéluctable : un effondrement économique et monétaire qui trouve ses véritables explications dans la création de la Reserve Fédérale Américaine (FED) par le congrès des États-Unis dix-huit ans auparavant.
À la veille de Noël, le 23 décembre 1913, le congrès des États-Unis ratifia le « Federal Reserve Act », une loi qui est l’acte de naissance de la banque centrale américaine. Sa création permit aux banques commerciales de s’affranchir du cadre rigide de l’étalon-or, qui encadrait très rigoureusement la masse monétaire. Elle instaura un système monétaire basé sur la monnaie fiduciaire beaucoup plus flexible. Dès lors la création monétaire n’était plus contrainte, les banques pouvaient octroyer autant de crédit que la demande des particuliers et des entreprises leur permettait. Ce fut l’avènement du système bancaire moderne, celui des réserves fractionnaires et de l’argent dette dont la banque centrale est la garante.
Grace à ce système, durant les années 20, une fois l’épisode de la guerre passé, une folle épidémie de crédit s’empara des États-Unis, pour le plus grand profit des banques. Certes, une forte croissance économique en découla, cependant son caractère totalement artificiel provoqua un phénomène de bulle qui déstabilisa profondément l’économie américaine.
En effet, entre 1920 et 1929 la masse monétaire connut un accroissement de 61 %, avec une vitesse moyenne de 8 % par an ! Jamais dans l’histoire des États-Unis une telle augmentation n’avait été constatée en si peu de temps. Devant cette véritable avalanche d’argent disponible, les taux d’intérêts s’effondrèrent, ne reflétant plus du tout l’équilibre entre la demande de biens et de services et la monnaie dans l’économie.
Sans indicateurs fiables, les entrepreneurs sont abusés par l’abondance de monnaie mise à disposition par les banques. Ils empruntent et investissent dans leur production en excès, au-delà de ce que peut absorber le marché des biens et services en temps normal, ce qui, in fine, amène à la surproduction.
Dans ces conditions, les périodes d’euphorie économique, portées par un excès de liquidité, correspondent en réalité aux temps des mauvais choix, aux investissements ratés et aux gaspillages. C’est le moment où les erreurs sont faites, où l’on investit l’argent emprunté dans des projets qui, sans interférence de la banque centrale, n’auraient jamais été rentables.
La crise, quand elle survient, ne fait que signaler la fin de cette distorsion monétaire inflationniste. La dépression est le processus par lequel les économies se réajustent par rapport aux gaspillages et erreurs faites pendant la période d’euphorie, et ainsi rétablissent les équilibres intrinsèques de l’économie. Cela est radical et violent mais c’est un mal nécessaire vers le chemin de la guérison. Il annonce le retour à la normal après une période de forte fièvre.
En économie, les faits ne peuvent être indéfiniment occultés, le poids de la réalité finissant toujours pas prendre le dessus ; et plus on attend, plus le retour de balancier est violent.
Ainsi remis en perspective, le Krach de Wall Street ne fut que l’épisode boursier de cette liquidation, et à ce titre, il n’a pas plus d’importance que l’explosion des saisies des fermes et des usines ou l’accroissement exponentiel du chômage.
Cependant, en cristallisant l’attention sur ce fameux Jeudi noir, avec ses mouvements de foule et de panique, on crée un effet loupe sur un événement chargé en émotion, qui occulte au final les véritables raisons de la crise. Ainsi on accrédite le fait que la Grande Dépression est la conséquence de facteurs humains à caractère psychologique, liés aux mouvements chaotiques des marchés. On inverse ainsi les causes et les conséquences. On admet certes qu’il faut plus de régulation et de contrôle, mais on passe totalement sous silence l’origine première du désordre : l’organisation du système bancaire et monétaire sous la houlette de la FED.
La crise financière de 2008 nous rappelle tristement que ne pas tirer les leçons du passé peut avoir des conséquences tragiques. L’histoire se répète, les mêmes causes entraînant les mêmes effets. La chute de « Lehman Brothers » a remplacé le « Krach de Wall Street », mais la responsabilité de la FED est, elle, toujours aussi considérable.