Rémunération, indemnités, transports aux petits oignons, cadre de vie luxueux... Les élus bénéficient d’un confort que certains refusent par ascèse et que d’autres se contentent de cacher.
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Trop privilégiés, nos élus ? La main sur le cœur, ils font la liste des réformes engagées depuis 2010 : retraites rabotées, cumul des mandats interdit, déclarations d’intérêts publiées, patrimoine consultable en préfecture... Ces efforts, concédés face à une suspicion jamais rassasiée, viennent d’inspirer à Julien Aubert un livre au titre évocateur : Salaud d’élu (éditions Cent Mille Milliards). Mais de là à peindre nos représentants en victimes, il y a un pas... encore un peu dur à franchir. Ce serait oublier que les parlementaires jouissent d’un train de vie privilégié, aux zones d’ombre jalousement préservées.
Tous les cinq ans, les nouveaux députés découvrent les charmes de l’Assemblée. Moins magique que l’arrivée d’Harry Potter à l’école des sorciers, l’instant recèle malgré tout son lot d’émerveillements. Accueillis par des fonctionnaires aux petits soins, les heureux élus réceptionnent une valisette de voyage – siglée Longchamp pour l’édition 2012 – où sont rangés les insignes parlementaires : cocarde et écharpe tricolore.
Ils sont ensuite escortés au service gestion financière et sociale, où ils s’affilient à des régimes de Sécurité sociale et de retraite particulièrement généreux. Seuls les sénateurs peuvent rivaliser avec eux. Ils recevront une indemnité brute mensuelle – parler d’un « salaire » serait vulgaire – d’environ 7 000 euros. Et une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) mensuelle de près de 6 000 euros. Ils peuvent la dépenser à leur guise et elle traîne de ce fait une réputation sulfureuse.
Facilités téléphoniques, facilités de transport...
Il faut s’engouffrer dans les entrailles de l’intranet de l’Assemblée – réservé aux parlementaires, à leurs collaborateurs et aux fonctionnaires – pour découvrir d’autres douceurs. Au rayon « facilités téléphoniques », on apprend qu’un député de base dispose de 4 200 euros chaque année pour financer jusqu’à cinq abonnements mobiles pour ses collaborateurs et lui-même. Le budget s’élève à 9 670 euros pour un député d’outre-mer... et à 16 845 euros pour chacun des cinq députés des Français de l’étranger élus dans une circonscription extra-européenne. À l’heure de WhatsApp et des messageries gratuites par Internet, voilà un beau gisement d’économies.
En comparaison, les 15 245 euros prévus pour équiper les députés et leurs collaborateurs en matériel informatique ont presque l’air raisonnable. Pour leurs déplacements hebdomadaires, les députés disposent de cartes SNCF illimitées en première classe et de 40 vols aller-retour entre Paris et leur circonscription.
Confortable, mais pas illogique
En revanche, la note de l’Assemblée sur les « facilités de transport » indique que les députés ont le droit de s’offrir chaque année six vols aller-retour pour n’importe quelle destination métropolitaine. « Les conjoints peuvent utiliser tout ou partie de ce contingent », est-il précisé. Comme nous le traduit une députée dans une langue un peu moins administrative : « Je n’utilise pas ces vols, mais si je voulais me faire un week-end à l’œil en Corse avec mon compagnon en invoquant un pseudo-congrès, je pourrais ! »"
Si d’aventure les députés dépassent les limites prévues pour leurs frais de taxi, de téléphone ou d’informatique, il existe une formule magique : la fongibilité. Ils sont encouragés à puiser dans leur budget courrier – 12 000 euros annuels que plus personne ne dépense complètement – pour doubler leurs frais de taxi et augmenter de moitié leurs dépenses de téléphonie. Ou comment se faire rembourser jusqu’à 5 500 euros de taxi chaque année. Merci, La Poste !