À la veille du scrutin présidentiel, l’Obs retourne à la rencontre de ces Français qui furent au cœur des enjeux politiques, économiques et sociaux du quinquennat. Cette semaine, les habitants de Tourcoing, où une caissière d’Auchan a fait une fausse couche sur son lieu de travail.
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« Ils nous en font assez subir comme ça ». « Ils », ces patrons, ces directeurs, ces chefs, sous-chefs, sous-fifres, tous ceux qui « donnent des ordres », qui « sont au-dessus ».
« Ils sont de pire en pire, parce qu’ils ont des instructions. Partout, c’est "marche ou crève !", avec des cadences impossibles à tenir. Ce qui se passe à Auchan, c’est partout pareil ».
C’est Hakim, 43 ans, qui parle. Parka noire et béret sur la tête, il finit son café à La Terrasse, le petit bistrot d’à côté. La souffrance au travail, il connaît. Huit années à bosser comme aide-soignant au CHR de Lille, à voir le personnel se réduire jusqu’à se retrouver « seul à gérer deux ailes de 36 malades » et à « finir en burn-out », avant d’être licencié : « Soi-disant que j’avais pas le profil, après huit ans de bons et loyaux services, en CDD ».
Ça lui a coûté son couple, son moral, son avenir. Après sept ans au RSA et aux Restos du Cœur, Hakim touche depuis trois ans une pension d’invalidité. Comme ses parents, ouvriers dans le textile, comme « la majorité des Tourquennois, terre de mineurs », il a toujours voté à gauche.
« Mais aujourd’hui, le PS nous a abandonnés ».
À l’écouter, il ne resterait plus que la gauche caviar, façon Macron, ou la droite catho, façon Fillon. « La loi El Khomri, passée au forcing du 49.3, l’a bien montré : c’est de l’enflure, du dénigrement de la souffrance du peuple », dit-il avec un fort accent chti.