Les Italiens se prononçaient dimanche 4 décembre sur une réforme constitutionnelle lors d’un référendum qui s’est transformé, en pleine vague populiste, en plébiscite pour ou contre le chef du gouvernement, Matteo Renzi.
Les Italiens ont rejeté massivement dimanche la réforme contitutionnelle portée par le chef du gouvernement Matteo Renzi, selon des sondages réalisés à la sortie des urnes.
Le « non » réaliserait un score situé entre 54 et 58 % contre 42 à 46 % pour le oui, un résultat qui devrait conduire Matteo Renzi à démissionner.
Les partis d’opposition n’ont pas attendu les résultats officiels pour exiger la démission de Matteo Renzi. « Renzi va s’en aller et avec lui le puissant lobby que nous venons de défaire », a déclaré Renato Brunetta, le leader du groupe parlementaire de Forza Italia, parti de l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi. Un avis que partage aussi la Ligue du nord, qui a réclamé une « démission immédiate » ainsi que des élections législatives anticipées.
Après l’annonce des premières estimations donnant le « non » largement gagnant, l’euro a connu une chute vertigineuse, passant en quelques minutes à peine de 1,062 dollars à 1,058 dollars.
Jacques Sapir : « Le référendum en Italie peut provoquer l’implosion de l’euro »
Ce dimanche, a lieu en Italie le référendum sur la réforme constitutionnelle souhaitée par le président du Conseil des ministres Matteo Renzi. Quels en sont les enjeux ?
Jacques Sapir : Les enjeux sont en réalité à la fois locaux et européens. L’Italie traverse depuis de nombreuses années une crise grave. Cette crise ne prend pas la forme aiguë de la crise grecque ; elle est plus sourde mais elle n’en est pas moins profonde. On constate que l’introduction de la monnaie unique a tué l’économie italienne. On le voit quand on regarde la croissance et surtout la croissance par habitant. Aujourd’hui, l’Italie est au niveau qu’elle avait atteint en 2000.
Autrement dit, ces seize dernières années n’ont vu aucune croissance. La faible croissance enregistrée de 2000 à 2007 a été entièrement détruite par les années suivantes. Le constat est encore pire si l’on regarde la croissance par habitant. En PIB par tête, l’Italie est aujourd’hui revenue au niveau de 1997. Ceci n’est le fait d’une crise brutale comme en Grèce. La productivité du travail, dont la croissance était comparable à celle de la France et de l’Allemagne de 1971 à 1999, stagne depuis 2000. L’écart s’est massivement ouvert avec ses voisins immédiats. Si l’on prend 1999 comme indice 100, on est en 2015 à 117 en Allemagne et en France, mais à 104,5 seulement en Italie. La raison de cette situation est, comme dans le cas de la France, l’écart qui s’est créé entre le taux de change virtuel du Deutsche Mark, que l’on peut calculer par l’évolution de la productivité et de l’inflation en Allemagne, et le taux de change virtuel de la Lire.
Une étude du Fond Monétaire International montre que le Mark est virtuellement sous-évalué de 15 % (au taux de change de l’euro) quand la Lire est, elle, surévaluée de 10 %. Cet écart de 25 % est la cause de biens des malheurs de l’économie italienne, tout comme pour le cas de la France où cet écart atteint 21 %.
Quelles sont les conséquences de cette crise italienne ?
Cette crise a donc des conséquences internes mais aussi européennes. En Italie, il y a désormais le sentiment que cette situation ne peut plus durer. Les différentes réformes, que ce soit celles mises en œuvre par le gouvernement de Mario Monti ou celles appliquées par l’actuel Premier ministre, Matteo Renzi, ont durement frappé la population mais n’ont pu relancer la machine économique.
La montée des mauvaises dettes dans le bilan des banques italiennes, qui est la cause principale des problèmes qu’elles connaissent, vient de là. Cette crise est aggravée par le fait que les principaux actionnaires de ces banques sont des personnes privées, et non des « investisseurs institutionnels » comme c’est le cas en France. Une crise ouverte de ces banques, leur faillite, ruinerait des centaines de milliers d’Italiens. La gestion de cette crise bancaire a montré une classe politique italienne qui n’a guère changé depuis les années 1990. La famille de Matteo Renzi a été directement impliquée dans plusieurs scandales.