Ce dimanche, les Italiens voteront pour une réforme constitutionnelle menée par Matteo Renzi, le président du Conseil. Pour Coralie Delaume [1], il n’est pas impossible que ce référendum de nature institutionnelle engendre un « Italexit ».
« En Italie, les gens sont de plus en plus déçus par l’euro. Les Italiens commencent à réaliser que l’Italie ne fonctionne pas bien dans l’euro », expliquait Joseph Stiglitz au journal allemand Die Welt début octobre. Le prix Nobel d’économie pronostiquait donc un « Italexit » (une sortie italienne) dans un proche avenir.
Le référendum à haut risque qui se tient dans la Péninsule ce dimanche peut-il aboutir à ce résultat ? Les deux éléments paraissent a priori sans lien puisque la consultation portera sur l’équilibre des institutions italiennes. Toutefois, la crise politique susceptible d’en résulter dans ce pays à l’économie en berne pourrait secouer l’Europe durement. Après la crise grecque de 2015 et le « Brexit » de juin 2016, ce pourrait être un nouvel acte de l’effondrement européen qui se joue sous nos yeux.
Sur quoi le référendum porte-t-il ?
On pourrait croire qu’il ne concerne que les Italiens puisque le scrutin du 4 décembre porte sur un projet de réforme constitutionnelle. Ce projet est soumis au peuple faute d’avoir obtenu la majorité des deux tiers nécessaire à une simple adoption parlementaire.
Le texte prévoit de transformer la chambre haute du Parlement pour en faire un « Sénat des régions » au périmètre réduit, en diminuant des deux tiers le nombre de ses membres et en lui conférant un rôle essentiellement consultatif. Il s’agit d’abaisser les pouvoirs de ce Sénat et de mettre fin au « bicaméralisme parfait » qui donne exactement les mêmes prérogatives aux deux chambres, que ce soit pour le vote des lois ou pour celui de la confiance au gouvernement. En effet, le fonctionnement actuel des institutions est jugé source de lenteurs et d’instabilité politique (Rome a connu 63 gouvernements en 60 ans...). En tout état de cause et comme expliqué sur le site Telos, « il s’agirait d’une rupture symbolique très forte [car] le bicaméralisme parfait [...] caractérise la vie politique italienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale […]. Pour les constituants de 1946, il s’agissait alors de consolider autant que possible la digue démocratique, au sortir de vingt ans de fascisme ».
Mais si le résultat du référendum est décisif pour l’Europe, c’est parce que le Premier ministre Matteo Renzi y a lié son avenir. Certes, quelques expériences récentes nous enseignent qu’il faut rester prudent face aux sondages. Pourtant, force est d’admettre que dans le présent cas, ils vont tous dans le même sens. Tous mettaient le « oui » en tête au début de l’année 2016. La tendance a commencé à s’inverser au printemps, puis s’est complètement retournée. Le « non » est aujourd’hui donné vainqueur par tous les instituts. Il faut dire que dans les faits, le scrutin s’est transformé en vote pour ou contre Renzi. Plébiscité lors de son arrivée au pouvoir, le Chef du gouvernement a énormément déçu depuis.
Que se passera-t-il si Renzi perd ?
Quelques excentriques espèrent qu’il démissionnera au profit d’un « gouvernement technique » susceptible de vaincre la « résistance au changement » des Italiens et de les convertir pour de bon à l’austérité. C’est par exemple le cas de The Economist. Dans un éditorial intitulé « Pourquoi l’Italie devrait voter non à son référendum », l’hebdomadaire britannique explique : « La démission de M. Renzi peut ne pas être la catastrophe que beaucoup craignent en Europe. L’Italie pourrait se doter d’un gouvernement technocratique de transition comme elle l’a souvent fait par le passé. Si, toutefois, un référendum perdu devait suffire à déclencher l’effondrement de l’euro, ce serait le signe que ce dernier était très fragile, et que sa disparition n’était qu’une question de temps ».
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En somme, c’est le chaos assuré, avec des parlementaires élus on ne sait encore comment, et deux Assemblées de coloration peut-être différente.... mais conservant des pouvoirs identiques si le « non » l’emporte dimanche. L’une d’elles pourrait en effet être arrachée par le Mouvement 5 Étoiles (M5S), ce dernier poursuivant sa montée en puissance après avoir brillé aux dernières élections municipales.
Voilà donc de quoi faire paniquer « les marchés » et toute l’Europe à leur suite. D’autant que le vote intervient dans un contexte économique passablement dégradé.
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Reste enfin la question des banques de la Péninsule. On les sait très fragiles, elles qui ploient sous le montant ahurissant de 360 milliards d’euros de créances douteuses ( plus de 20% du PIB du pays !). De plus, la manière dont (dys)fonctionne de l’Union bancaire interdit à l’État italien de les recapitaliser sur fonds publics. Une telle situation conduit ainsi le Financial Times à prédire rien moins que la faillite possible de huit banques italiennes en cas de « non » au référendum, notamment celle du géant Monte dei Paschi di Siena. Cet établissement vole de sauvetages en sauvetages (sur fonds privés) et a tout de même perdu plus de 85% de sa valeur en bourse en un an...