En feuilletant le gros pavé (1 000 pages) de Saul Friedländer sur l’extermination des juifs (le tome 2), nous sommes tombés, pages 521 et 522, sur un développement qui devrait intéresser Zemmour, et, plus près de nous encore le CRIF et ses affidés. Il s’agit d’une double page consacrée à la France au moment des rafles de 1942.
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La réaction immédiate de la majorité des Français ordinaires aux rafles fut sans conteste négative dans les deux zones. Si elle ne déboucha sur aucune protestation organisée, elle renforça la disposition à aider les juifs en fuite. Les sentiments de pitié au spectacle de malheureuses victimes, surtout les femmes et les enfants, se propagèrent, quoique brièvement, sans pour autant que disparussent les préjugés enracinés à l’égard des juifs.
« La persécution des juifs, observait un rapport d’un agent de la Résistance, a profondément blessé les Français dans leurs principes humains ; elle a même à un certain moment rendu les juifs presque sympathiques. On ne peut nier cependant qu’il y a une question juive ; les circonstance présentes ont même contribué à l’implanter. »
Et l’auteur d’ajouter que le ministère Léon Blum, qui grouillait d’« éléments juifs », ainsi que la pénétration de dizaines de milliers de juifs étrangers en France avaient provoqué en France un mécanisme de défense. Les gens ne voulaient à aucun prix une répétition de cette « invasion ». Dans un rapport de mars, un autre agent formulait une appréciation presque identique : notant que la persécution des juifs n’avait pas cessé d’émouvoir et de révolter la population, il ajoutait que l’opinion publique ne continuait pas moins de s’en méfier, redoutant qu’après la guerre certaines professions en vue (banque, radio, journalisme et cinéma), ne fussent à nouveau, d’une certaine façon, sous la coupe des juifs. Personne ne voulait en faire des victimes et encore moins les brutaliser : on désirait sincèrement qu’ils fussent aussi libres que possible dans la possession de leurs droits et de leurs biens. Mais on ne voulait pas de leur domination, dans aucun domaine.
Au sein de la Résistance elle-même, prévalait le même genre d’antisémitisme tempéré, parfois explicitement. En juin 1942, dans la première livraison des Cahiers publiés par l’OCM (Organisation civile et militaire), figurait une étude sur les minorités ethniques en France. Son auteur, maxime Blocq-Mascart y parle des juifs comme d’un groupe qui « provoque des controverses presque permanentes » :
« L’antisémitisme […] sous sa forme atténuée reste presque universel, même dans les pays les plus libéraux. Cela doit faire présumer qu’il n’a pas une base imaginaire. »
L’analyse reprend ensuite l’habituel répertoire des arguments antisémites et suggère les mesures ordinaires : « arrêter l’immigration juive […], “éparpiller” les juifs pour éviter la survivance du groupe minoritaire et faciliter l’assimilation ». L’article fit du bruit et suscita la réprobation de membres haut placés de la Résistance : il n’en exprimait pas moins l’opinion d’une grande majorité de Français.
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On pourrait transposer la position des Français vis-à-vis des juifs en 1942 à 2025, car au fond, rien n’a changé, si ce n’est le cadre génocidaire et exceptionnel de la guerre. En 2025, il y a un antisionisme modéré, ou un antisémitisme modéré, et de toute façon les dirigeants juifs eux-mêmes en Israël confondent sionisme et judaïsme, c’est la politique officielle du pays, suivie par une grande majorité de la population (80 % sont pour le massacre et la déportation des Palestiniens de Gaza) de l’État hébreu, et une majorité de juifs français, par exemple.
On peut dire, et ce dès Sarkozy (la décennie 2002-2012), que la communauté juive a basculé, électoralement : elle est passée, pour des raisons de sécurité intérieure et extérieure (et aussi de la politique provocatrice de l’Intifada de Sharon en 2000), de gauche à droite. La position de Jospin (1997-2002) sur la sécurité, un « sentiment », n’a pas amélioré les choses, mais c’est valable pour tous les Français, pas seulement ceux de confession juive.
Donc il y a de l’antisémitisme en France, mais il n’est pas mortel, malgré les cris d’orfraie du CRIF quand il y a des faits divers, très rares, qui touchent des juifs. Quand il s’agit de juifs, c’est de l’antisémitisme ; quand il s’agit de non-juifs c’est... rien, un fait divers, quoi. C’est sûr que la guerre contre les Palestiniens n’arrange rien, chez nous, dans les banlieues, qui sont majoritairement musulmanes, donc en fraternité avec la Palestine. Mais ça, il fallait y penser avant de les installer en France, messieurs Dray et BHL.
Heureusement, les juifs n’habitent plus les banlieues, ils ont quitté les banlieues chaudes lyonnaises pour s’installer à Villeurbanne, où la communauté compte entre 16 000 et 20 000 habitants. Rien à voir avec Paris qui concentre 440 000 juifs, soit la population du ghetto de Varsovie en 1942. L’effet de regroupement communautaire, que les Français voudraient justement éviter, pour des raisons authentiquement républicaines (et pas selon la définition du CRIF), fonctionne à plein régime.
Il y a de l’antisémitisme en France, mais il est politique, non racial. Ici, c’est le Reich. Ce n’est pas un racisme, plutôt une opinion politique posée sur une religion, qui se confond elle-même avec un État, et c’est là le problème. Cet antisémitisme descend en droite ligne des exactions d’Israël, le pays qui se croit tout permis, et qui mène sept guerres de front, une véritable folie quand on sait le nombre d’Arabes qu’il y a en France. Mais Netanyahou s’en fout, de la France : pour lui, c’est un vivier de 600 000 juifs à vider et à ramener en Israël, sur les terres volées aux Palestiniens. Et c’est pas avec la politique actuelle que Netanyahou va attirer des candidats...
L’antisémitisme du FN des débuts (et encore, pas après la guerre de 1967, par sentiment anti-arabe) était politique, en droite ligne de Vichy ; celui des banlieues et de LFI est politique aussi, mais en droite ligne du Grand Israël, par anti-impérialisme. Il y a donc plusieurs antisémitismes qui se recoupent, s’opposent ou se superposent, et parfois disparaissent, comme dans le RN d’aujourd’hui, du moins parmi ses instances. Car dans la base, on peut penser qu’on pense comme en 1942, et comme aujourd’hui : trop d’étrangers en France nuit à la France, au vivre-ensemble, à notre culture, et à notre souveraineté. Que ce soit des juifs ou des Africains, ça gêne les Français, et le texte de Friedländer le dit très bien.
Nous sommes un peuple chrétien qui n’a pas envie d’être envahi ou dirigé par une puissance extérieure, par exemple les Allemands, d’où la Résistance (mais aussi la Collaboration !). Et quand il s’agit de juifs qui donnent des ordres, comme le CRIF ou BHL, surtout en période génocidaire, ça passe mal. Pire, ça se voit. Donc avant de hurler chaque jour au loup antisémite, les instances juives françaises devraient d’abord balayer devant leur porte. Parce que si la France était vraiment antisémite comme elles le disent, ce serait une tout autre affaire.
Heureux comme un juif en France, dit le dicton populaire.
C’est à comprendre comment ?
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