Le spécialiste français des navires militaires a remporté un mégacontrat de 34 milliards d’euros en Australie. Zoom sur un groupe dont l’origine remonte au XVIIe siècle, et qui, de la dissuasion nucléaire au Mistral, fait intégralement partie de l’Histoire de la France.
DCNS vient de décrocher le contrat du siècle dans le secteur de la Défense. Le groupe français a en effet remporté un appel d’offre émanant de l’Australie, qui compte renouveler sa flotte de sous-marins. Une commande de 34 milliards d’euros offrant potentiellement de quoi travailler plusieurs dizaines d’années à une bonne partie des 13 000 salariés de cette entreprise publique.
Peu de Français connaissent pourtant ce groupe devenu au fil des années un poids-lourd de l’industrie de la Défense. Pourtant DCNS est étroitement liée à l’histoire de la France. Avec Saint-Gobain, elle est même la seule grande entreprise à puiser ses racines au XVIIème siècle. En 2031, elle fêtera ses 400 ans.
Créé par Richelieu
Ce n’est ni plus ni moins que le cardinal de Richelieu, Premier ministre de Louis XIII, qui acte sa naissance en 1631, en décidant de créer plusieurs arsenaux permettant à la France de devenir une puissance maritime « capable de rivaliser avec celle de la Grande-Bretagne ». Colbert puis Antoine de Sartine, respectivement secrétaire d’État et ministre de la Marine de Louis XIV et Louis XVI reprendront le flambeau si bien qu’à la fin du XVIIIème siècle la France figure parmi les plus grandes puissances navales du monde. Le dernier arsenal français, Cherbourg, sera construit en 1803. En 1898, il se spécialisera exclusivement dans les sous-marins. Un an plus tard, le premier sous-marin torpilleur au monde, le Narval, est opérationnel.
Après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, les arsenaux vivent une nouvelle mutation majeure. L’État décide en effet de les spécialiser. Brest produira les gros bâtiments, Lorient se chargera de la construction des bâtiments de moyenne taille, Toulon s’occupera de la réparation et l’entretien de la flotte et Cherbourg continuera de se concentrer sur les sous-marins.
Cette articulation est peu ou prou celle de DCNS à l’heure actuelle, l’entreprise employant environ 2 000 personnes sur chacun de ces quatre sites en France. Certes, Brest s’occupe désormais de la maintenance des navires ainsi que de l’activité énergies maritimes renouvelables, et d’autres sites existent (comme à Toulon pour les missiles ou à Nantes pour la R&D) mais les jalons sont posés.
La grande histoire du nucléaire
Le Général de Gaulle va ensuite lier un peu plus étroitement l’histoire du groupe à celui de la France en décidant de se doter d’une force de dissuasion nucléaire. Ce qui va conduire à l’émergence du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins, Le Redoutable, inauguré le 29 mars 1967 et mis en service quatre années plus tard. DCNS produira plusieurs sous-marins de ce type, dont le dernier, L’Inflexible, a été mis en service en 1985.
Le nucléaire est alors une véritable pierre angulaire pour l’entreprise. « Le succès à l’export qu’a connu DCNS dans les années 90 est lié à cette période où l’on a développé toute cette dimension technologique servant à assurer l’efficacité de la dissuasion nucléaire. Les lanceurs présents dans les derniers sous-marins de classe Le Redoutable ont ensuite équipé la fusée Ariane dans les années 90 », raconte Vincent Groizeleau, rédacteur en chef du site MeretMarine.com.
Autre étape clef durant la présidence du Général de Gaulle, le détachement des arsenaux de la Marine nationale. Les ingénieurs des Directions des Constructions des armes navales (DCAN) dépendent désormais du ministère de la Défense. Ce changement de tutelle va permettre de diversifier les activités des arsenaux dans les années 70. La production de navires civils débute à Toulon. L’ensemble se transforme peu à peu en une véritable une entreprise.
« C’est aussi le temps des premiers grands contrats à l’export avec la vente de de sous-marins à l’Espagne, au Portugal, à l’Afrique du Sud », rappelle Vincent Groizeleau. En 1991, les DCAN sont rebaptisées DCN (Direction des constructions navales). Le groupe va ensuite lancer plusieurs produits phares. En 1992 la frégate furtive La Fayette est livrée à la marine nationale. Avec ce navire, la DCN mise sur un design totalement novateur. Cinq ans plus tard, le groupe met en service Le Triomphant, un sous-marin nucléaire nouvelle génération.
Nouveau tournant majeur, en 2001, avec la construction du fameux porte-avion Charles de Gaulle, à Brest, le seul navire militaire à propulsion nucléaire construit en Europe. Ce gigantesque chantier aura mobilisé 20 milliards de francs, soit environ 3,75 milliards d’euros. « Quoiqu’on en dise, c’est un super bateau de guerre, dont les Américains nous envient l’efficience », assure Vincent Groizeleau.
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DCNS par son PDG Hervé Guillou :