Le 3 décembre dernier, c’est un cri d’alerte qu’ont lancé des professionnels de la santé mentale. Quatre psychiatres, Serge Hefez, Marie-Rose Moro, Rachel Bocher, Marion Leboyer et la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, demandent des mesures politiques concrètes pour éviter « la troisième vague psychiatrique » du coronavirus.
« Ce que nous disons, c’est qu’il n’y a pas de santé sans santé mentale », précise le Dr Rachel Bocher, chef de service en psychiatrie au CHU de Nantes. « Or, la santé mentale est l’oubliée de la crise du Covid. Il y a les patients qui vont moins bien à cause de la crise, mais l’isolement social, la peur de la maladie, de la mort, du chômage, de la solitude, ont aussi des conséquences sur des populations en détresse psychologique aggravée. Et ce n’est pas pris en compte. Ce qu’on demande aux pouvoirs publics, c’est d’agir vite et d’agir ensemble. »
Un « Matignon » de la santé mentale
Il y a eu le « Ségur » de la santé. Les professionnels de la psychiatrie demandent un « Matignon » de la santé mentale.
« Nous attendons des actes, à court terme. Nous constatons une augmentation de 20 % des consultations pour anxiété et des problèmes d’addictologie accrus. Certaines personnes présentent des troubles qui s’apparentent à un syndrome post-traumatique. Plus pour ce deuxième confinement que pour le premier. C’est un effet de la répétition qui génère plus d’angoisse », indique Rachel Bocher.
« Les inégalités psychosociales s’accroissent et pèsent sur la souffrance morale de nombreuses personnes. Les précaires, les jeunes et les femmes étant en première ligne. Nous voyons à nos consultations des gens qu’on n’avait jamais vus. Qui ont un sentiment d’inutilité, des troubles du sommeil. Mon expérience me fait dire que plus ça va durer, plus les séquelles seront lourdes à gérer. Prescrire des psychotropes ne règle pas le problème. Et on voit des patients de plus en plus jeunes. »
Déstigmatiser la maladie
Ce que ces lanceurs d’alerte demandent, c’est tout d’abord une campagne d’information pour déstigmatiser la maladie mentale et une plateforme pour le repérage et l’écoute des publics fragiles. Puis des moyens pour des consultations dédiées à cette détresse due à l’environnement épidémique.
Enfin, dans les six mois, ils souhaitent une mission pluridisciplinaire avec un pilotage interministériel pour réorganiser la prise en charge psychiatrique avec tous les acteurs.
« Certaines personnes présentent des troubles qui s’apparentent à un syndrome post-traumatique. Plus pour ce deuxième confinement » (Rachel Bocher, chef de service en psychiatrie au CHU de Nantes lieu)
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Les enfants et les adolescents fragilisés
Pédopsychiatre, directrice de la Maison de Solenn, Marie-Rose Moro est également l’une des initiatrices de l’appel du 3 décembre.
« Les effets de la crise sanitaire sur les enfants et les adolescents se constatent au quotidien dans notre pratique professionnelle, insiste-t-elle. Nous enregistrons une hausse d’environ 30 % des accueils aux urgences. À la fois pour des retards de prise en charge en raison de l’épidémie et du confinement, mais aussi pour la prise en charge d’ados aux idées suicidaires, aux comportements auto-agressifs ou agressifs envers autrui, ou des comportements dépressifs. Cette crise est révélatrice des fragilités et de l’anxiété. Nous intervenons pour des crises d’angoisse et des maux corporels, somatisations aiguës. Chez les plus jeunes, les phobies sont en développement : peur de la mort, d’aller à l’école, de sortir, de la maladie. »
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