Cet article bourré de témoignages date du 8 avril 2022, mais il est encore plus brûlant aujourd’hui, puisque Macron a décidé de faire tomber une bonne partie de la classe moyenne dite inférieure dans la pauvreté.
La volonté de Macron et Pécresse de forcer les allocataires du RSA à travailler pour un salaire de misère (moins de 500 euros par mois) nous a mis sacrément la rage à Frustration, car nous savons ce que c’est de vivre avec quelques centaines d’euros par mois, la précarité et la pauvreté.
C’est pourquoi à la fin de notre article sur le sujet, nous vous avions demandé de nous envoyer vos témoignages, pour faire voir dans le réel les situations des personnes qu’on interviewe jamais sur ces sujets alors qu’elles sont les premières concernées.
Les témoignages ont afflué. La majorité des témoignages proviennent de femmes, cela n’est pas un hasard car la majorité des allocataires sont des femmes (environ 54%), et quasi-exclusivement lorsqu’il s’agit du RSA majoré (pour les parents seuls).
La plupart du temps ces témoignages sont anonymes, donc avec des noms d’emprunt afin de préserver leurs autrices et auteurs des répressions patronales et bureaucratiques. Les prénoms d’emprunt sont indiqués par des astérisques. Merci à tous ceux et toutes celles qui ont eu le courage de se dévoiler ainsi. Témoignages recueillis par Rob Grams.
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J’ai été aide-soignant en maison de retraite pendant quelques années. Je peux témoigner que la galère vécue par les soignants ne date pas d’hier. Les conditions de vie des résidents et les conditions de travail du personnel étaient déjà très largement dégradées quand j’ai lâché l’affaire, épuisé, il y a 13 ans maintenant. Je ne supportais plus de me faire mal et de faire du mal à des vieux qui n’avaient rien demandé, au nom de la rentabilité de l’entreprise.
Une semaine avant Noël, ma compagne m’a annoncé qu’elle se tirait avec un autre mec, je me suis cassé le poignet en rentrant du boulot sous la pluie en mobylette et la clinique qui m’employait m’a annoncé qu’elle ne renouvellerait pas mon contrat. Faut dire que je l’avais un peu trop ouvert sur les conditions de travail. J’aurais pas dû, manifestement…
Depuis, je n’ai pas rebossé, et à plus de quarante balais, les chances qu’un employeur se penche sur mon semblant de « CV » sont de plus en plus infimes. Rien que l’idée d’un entretien d’embauche me donne des sueurs froides. De toute façon, je n’ai plus la moindre motivation, car le travail a perdu tout sens de nos jours : c’est soit produire de la merde pour le capital, soit aider l’État à passer la serpillière sur la catastrophe qu’il a provoqué dans les services publics et la population. Je ne serai plus jamais leur petit soldat obéissant. Je ne retournerai pas dans leur bagne volontairement. Advienne que pourra…
Je suis prêt à l’inévitable confrontation avec le capital. Elle viendra forcément, tôt ou tard. Mais je ne me mettrai pas à genoux pour les implorer de continuer à m’octroyer leur obole patronale.
Ça va faire maintenant treize ans que je n’ai pas allumé le chauffage, mon appart est un vrai taudis (même rangé), plein d’humidité, pas de fenêtres orientées au soleil, et où il fait plus froid qu’au dehors. Même en plein hiver, il faut ouvrir les fenêtres quand on prend une douche sinon de vrais gros champignons se mettent à sortir des murs les jours suivants. Au fond, je me sens un peu comme un SDF, mais avec un toit sur la tête. Un toit à quatre cent boules par mois, quand même. Quand on te dit que cinq euros en moins sur les APL, c’est pas grand-chose… 5 euros, c’est ce qui me reste à la fin du mois, quand tout se passe « bien ».
Pour manger, c’est pâtes et riz à tous les repas (depuis 13 ans), parfois avec de la sauce. La viande, c’est quand les potes font des grillades, en été, alors je me remonte le moral en me racontant que je suis devenu végétarien malgré moi, c’est mon « petit geste pour la planète », si cher aux capitalo-écologistes…
Pour les soins de santé, ben, les médecins vous prennent pas comme patient si vous avez la CMU, un classique. Il y avait bien un dispensaire près de chez moi, pour les misérables, mais il a fermé pendant le covid, pour se téléporter à l’hôpital, à l’autre bout de la ville, où tout est regroupé désormais, sans aucun doute, pour des raisons d’économies budgétaires. Rhô, c’est vraiment pas de bol…
Quand tu descends dans la rue en bas de chez toi, absolument tout l’espace est dévolu au commerce, dans une ville où pourtant le chômage fait des ravages (une ancienne ville minière dans le sud), et toi, t’as même pas de quoi te payer un foutu café. Alors, tu restes chez toi, tu « fumes des joints en regardant des documentaires », tu clignes des yeux et dix ans se sont écoulés, et tu te demandes combien de temps il te reste encore à tirer avant le cancer. La retraite, je sais pertinemment que je la verrai pas de toute façon, alors pourquoi s’en préoccuper ? Je sais très bien qu’il n’y a plus aucun espoir pour moi, et je m’en tape maintenant. Je suis libre parce que je n’ai plus peur.
Bref, une vraie vie de pacha…
Quand j’entends ce que Macron propose pour nous faire payer notre misère encore plus cher, je ne suis pas surpris du tout, ça fait longtemps qu’on s’y attendait (…). Je suis prêt à l’inévitable confrontation avec le capital. Elle viendra forcément, tôt ou tard. Mais je ne me mettrai pas à genoux pour les implorer de continuer à m’octroyer leur obole patronale. Coupe-nous le RSA, Manu, on viendra crever de faim sous tes fenêtres ! Tu ne sembles vraiment pas te rendre compte de ce dont sont capables ceux qui n’ont plus rien à perdre, pour la simple et bonne raison qu’ils ont déjà tout perdu, alors accroche-toi à ta réforme pour vieux réacs sociopathes, on va « venir te chercher »…
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