Nous n’irons pas sur la messagerie Telegram où les troupes de choc de chaque camp revendiquent des « victoires », des « avancées » ou des « percées ». Nous irons tout simplement dans les médias français mainstream dont la tendance (rappel : dans chaque courbe, il y a une tendance, des saisons et des aléas) est en train de passer de « l’Ukraine reprend ses territoires » à « l’Ukraine résiste avec courage ».
Comme dans la presse chinoise des années 60, il faut savoir traduire, à la Simon Leys, l’essentiel qui se situe entre les lignes. Nos médias, qui sont aux ordres du pouvoir profond et qui appartiennent à 99 % au combo État-multinationales, ne peuvent pas dire la vérité crue, ils doivent transformer les victoires russes en défaites et les défaites ukrainiennes en victoires, ou en calculs gagnants sur le long terme. Pas si facile, et même très casse-gueule, avec des réseaux sociaux à l’affût de chaque contre-vérité.
Par exemple, en janvier 1943, quand la VIe armée de von Paulus a crevé de froid et de faim à Stalingrad, la presse allemande n’a pas parlé de défaite, mais de sacrifice héroïque : « ils sont morts pour que l’Allemagne vive ». Une petite perte pour un gros gain, soit un investissement...
Toutes proportions gardées, on en est là aujourd’hui avec les médias otanistes. Les reportages se doivent d’être optimistes, les officiers ukrainiens ont le sourire, ils maîtrisent la situation, même si le manque de munitions contraint à rester en mode défensif. Pour une contre-attaque, c’est un peu dommage.
Peu à peu, les oripeaux de la propagande tombent sous la pression du réel, et le grand public, homéopathiquement, voit apparaître une autre vérité. Devant l’échec de la première contre-offensive otano-ukrainienne, c’est le haut commandement de l’OTAN qui reprend la com’ en main et transmet les nouveaux éléments de langage à des médias de plus en plus désorientés.
Il n’est « pas surprenant » que la contre-offensive ukrainienne ne progresse pas rapidement, a déclaré lundi 3 juillet l’amiral Rob Bauer, chef du comité militaire de l’Otan. « Une contre-offensive, c’est difficile. Il ne faut jamais croire qu’il s’agit d’une opération facile (...) Il y a un nombre considérable de Russes en Ukraine. Il y a d’énormes obstacles défensifs ». (France Info)
On ne parle plus de Zelensky, qui a perdu les manettes. C’est le haut commandement de l’OTAN qui parle, et qui mène la guerre. L’Ukraine n’existe plus, politiquement, elle est juste le terrain de l’affrontement entre les deux blocs.
Dans le même article de France Info, qui parle de 158 km2 repris par l’Ukraine depuis le lancement de la contre-offensive de début juin (sur les 130 000 pris par les Russes), tout à la fin, le réel pointe son nez :
Kiev dit mener des « combats acharnés » contre Moscou qui avance dans l’Est. Un mois après le lancement de sa contre-offensive, l’Ukraine a admis dimanche que la situation était « difficile » et que les forces russes avançaient dans quatre zones de la ligne de front, dans l’est du pays. Toutefois, les forces ukrainiennes ont assuré que leurs troupes progressaient dans le Sud.
L’est, c’est justement là où France 24 a envoyé son reporter :
Le 27 juin, LCI rêvait encore : « Il y a des gains territoriaux ukrainiens »
L’OTAN ne veut pas perdre, alors le haut commandement de l’Alliance atlantique prolonge la souffrance des Ukrainiens. Pour l’instant, selon les « autorités », les maigres percées kiéviennes servent à déterminer quel sera l’axe principal de la future « vraie » poussée.
Le général Dominique Trincand (qui était un des conseillers de Macron en 2017, et dont l’épouse a défrayé la chronique judiciaire) à 4’36 : « Les réserves ne sont pas engagées, c’est-à-dire que l’état-major ukrainien n’a pas encore décidé probablement de l’axe majeur d’attaque sur lequel il enverra ses réserves. »
La victoire ukrainienne, c’est un peu comme le Grand Soir des gauchistes...