Avec le conflit en Ukraine et le vieillissement du parc nucléaire français, la conjoncture est exceptionnellement mauvaise et inquiétante en prévision de l’hiver prochain.
« C’est une tempête parfaite. Si on prenait individuellement chacune des causes, ce ne serait pas très grave. Mais là, tout cela arrive en même temps et crée une situation très compliquée. »
Cette « tempête » dont parle Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors, c’est celle du secteur énergétique en France. Depuis plusieurs mois, tous les voyants sont au rouge. Les centrales nucléaires sont à moitié à l’arrêt, les prix du gaz atteignent des records et les dirigeants comme les spécialistes du secteur alertent sur l’urgence de consommer moins. Pour comprendre l’ampleur de cette crise, franceinfo fait le point, énergie par énergie, infographies à l’appui.
La production nucléaire au ralenti
2022 risque d’être une année noire pour le nucléaire. « C’est un facteur très structurant de la crise actuelle », insiste Nicolas Goldberg, expert énergie pour Colombus Consulting. Au 5 juillet, d’après les données transmises à franceinfo par EDF, seule la moitié des réacteurs français étaient disponibles à la production. Soit 28 des 56 équipements, répartis dans 18 centrales. Sur les 28 réacteurs à l’arrêt, il y a d’abord les visites décennales qui en paralysent sept. Ces interruptions planifiées interviennent du fait de la prolongation du parc nucléaire, dont la moyenne d’âge a souvent dépassé la trentaine d’années.
Treize autres réacteurs sont à l’arrêt pour des raisons de maintenance. En fin d’année dernière, l’électricien français a découvert des problèmes de corrosion et des risques de fissure dans la tuyauterie du circuit primaire de certains réacteurs. Trois autres sont en arrêt pour rechargement de combustible, et les cinq derniers le sont pour d’autres raisons techniques.
Le planning inédit de ces indisponibilités permet de visualiser la production prévue pour l’année 2022. A partir des données publiées par EDF, nous avons représenté la production estimée pour chaque centrale. La barre grise représente la puissance maximale des réacteurs de chaque centrale ; l’aire bleue permet de visualiser la production attendue (mais susceptible d’évoluer).
[...]
À en croire les prévisions de l’électricien français pour 2022, jamais le nucléaire français n’aura produit aussi peu depuis trente ans. Les dernières estimations, abaissées plusieurs fois depuis janvier, se situent actuellement entre 280 et 300 térawatt-heure (TWh) pour l’année. Et 2023 risque d’être dans la même veine : en février, EDF estimait la production entre 300 et 330 TWh.
[...]
Conséquence de cette baisse de production nucléaire : jamais la France n’a acheté autant d’électricité à l’étranger. « Normalement, la France importe pendant l’hiver, et exporte pendant l’été. Là, le pays est importateur net au mois de juin. C’est ultra exceptionnel », s’exclame Thomas Pellerin-Carlin. En plus de l’âge des réacteurs français et des problèmes de corrosion observés sur certains équipements, le gestionnaire du réseau de transport électrique français (RTE) explique à franceinfo que « cette situation est due à une période de transition qui voit la fermeture de certains moyens de production émetteurs de CO2 (centrales au fioul et à charbon) alors que d’autres nouveaux moyens de production ont du retard (EPR de Flamanville, énergies renouvelables terrestres ou maritimes). »
Le marché du gaz bouleversé par la guerre en Ukraine
Autre facteur qui aggrave cette crise énergétique : l’envolée du prix du gaz. Celle-ci avait déjà commencé à la mi-2021, dans un contexte de reprise économique liée à l’amélioration de la situation sanitaire. Mais ces records ont encore été dépassées après l’invasion des troupes russes en Ukraine. Le Dutch TTF, indicateur de référence, a plus que doublé pour atteindre 200 euros quelques jours après le début de la guerre. Depuis, le prix du gaz varie entre 80 et 150 euros le KWh, un niveau historique.
Ces prix sont d’autant moins prêts de redescendre que Moscou a coupé les robinets. Dans un contexte de sanctions européennes et d’ultimatum russe pour payer les livraisons de Gazprom en roubles, plusieurs pays européens, comme la Pologne, la Finlande ou les Pays-Bas, se sont vu couper les vannes fin avril. Le 17 juin, le principal gestionnaire français, GRTgaz, a annoncé à son tour ne plus recevoir de gaz russe par gazoduc.
Résultat : « On se détourne du gaz de Poutine, acheminé par gazoduc, qui n’est pas cher, pour se tourner vers du gaz naturel liquéfié (GNL), plus cher. On va devoir vivre avec un prix du gaz très élevé », alerte Thomas Pellerin-Carlin. Si la France ne s’approvisionnait en gaz russe qu’à hauteur de 17 %, ses voisins européens en sont beaucoup plus dépendants. À l’échelle de l’Union européenne, cette part atteignait plus de 40 % avant la crise ukrainienne.
Le système gazier, qui plus est, est très connecté au système électrique. Un tiers du gaz en France est utilisé pour produire de l’électricité, et cette part devrait augmenter cette année pour compenser le ralentissement du nucléaire. De quoi déclencher une hausse du prix de l’électron et s’inquiéter pour les stocks à venir. « Tout le gaz qu’on est en train de brûler pour produire de l’électricité, c’est autant de gaz dont on va manquer à l’hiver. Notre gaspillage d’électricité risque de créer une pénurie », s’inquiète le directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors.
[...]
Pour Nicolas Goldberg, la situation est « catastrophique » et comparable au choc pétrolier de 1973. « Les prix régulés de l’électricité vont exploser l’an prochain, et on ne pourra pas tenir le bouclier tarifaire éternellement. Je ne sais pas comment on va faire ». Comme d’autres acteurs, le spécialiste appelle à passer, d’urgence, la vitesse supérieure sur la baisse de consommation d’énergie.
Lire l’article entier sur francetvinfo.fr
Après sa politique énergétique catastrophique, il demande de la « responsabilité » et de la « sobriété » aux Français