C’était en 2013, il y a donc presque dix longues années. En plein débat – mais peut-on parler vraiment de débat là où il n’y a eu qu’un solo médiatique monocorde troublé par des manifestations aussi monstres qu’inutiles ? –, en plein débat, donc, sur le « mariage pour tous », l’actuel ministre des Collectivités territoriales Caroline Cayeux avait osé émettre un petit doute sur le bien fondé de ce mariage contre nature (ça, c’est de nous).
Quelle horreur avait donc proférée Caroline Cayeux ? En définitive, elle avait qualifié le mariage pour tous et l’adoption pour les couples de même sexe de « réformes de caprices et de desseins qui vont contre la nature ». Diantre !
C’en était trop pour une centaine de personnalités de tous horizons, de Philippe Besson à Jack Lang en passant par Boris Cyrulnik, Michèle Rubirola ou encore plusieurs élus issus de la majorité présidentielle, qui ont dénoncé les « propos homophobes » du ministre qui « meurtrissent personnellement » beaucoup desdits signataires de cette tribune (article payant !) parue dans Le Journal du dimanche – et on est vraiment priés de ne pas s’étouffer de rire !
Un premier rétropédalage avait été opéré, où le ministre s’était défendu, la main sur le cœur, de ne jamais, ô grand jamais, avoir fait partie de La Manif pour tous :
Une pétition demande le départ des ministres "LGBTQIAphobes notoires" : "C’est un mauvais procès que l’on me fait et qui m’a beaucoup contrariée. Je n’ai jamais fait partie de la Manif pour tous, que les choses soient claires", se défend @carolinecayeux #BonjourChezVous pic.twitter.com/xgNqJPR1Hk
— Public Sénat (@publicsenat) July 12, 2022
Ces précautions oratoires étaient bien sûr parfaitement vaines face à un tel déferlement de haine homophobe dont l’agenda dépasse cette pauvre dame qui s’est trouvée au mauvais endroit et au mauvais moment. Visiblement d’une autre époque et pas parfaitement au fait des campagnes de déstabilisation idéologique (forcément, car elle n’a toujours été qu’une bourgeoise dans le bon camp, celui du Bien), elle crut s’en sortir par cette petite facilité oratoire. Erreur.
La campagne diffamatoire à son endroit fut relancée de plus belle. Pensez-vous, elle invoqua des amis parmi ces « gens-là », un peu comme Jean-Marie Le Pen qui à l’époque excipait de sa femme de ménage noire pour nous dire qu’il n’était pas raciste !
La coupe était pleine, et c’est Manuel Valls (encore et toujours là), les députés de la majorité Joël Giraud, David Valence, Raphaël Gérard, Quentin Bataillon, ou encore les maires de Paris Centre Ariel Weil (PS), du Ve arrondissement Florence Berthout (DVD), du VIe arrondissement Jean-Pierre Lecoq (LR) et du IXe arrondissement Delphine Bürkli (Horizons), ou encore la première adjointe au maire de Marseille Michèle Rubirola (EELV) qui entonnèrent en chœur devant cette souffrance homophobe, seconde du nom : « Comment accepter les propos tenus par la ministre chargée des Collectivités territoriales à la veille de la fête nationale ? ».
Confiteor Deo omnipotenti
et vobis, fratres,
quia peccavi nimis cogitatione,
verbo, opere et omissione :
Mea culpa, mea culpa
Mea maxima culpa.
Ideo precor beatam Mariam semper Virginem,
omnes Angelos et Sanctos,
et vos, fratres,
orare pro me ad Dominum Deum nostrum.
C’est ici donc qu’intervint le second rétropédalage, celui relevant du déshabillage, où tout honneur disparu comme toute honte bue, notre ministre s’agenouilla devant le Sanhédrin LGBT et confessa avoir péché : « Les propos mentionnés remontent à dix ans. Et si je ne peux nier les avoir tenus, évidemment que je ne les utiliserai plus et les regrette. Je comprends que ces propos stupides et maladroits aient pu autant blesser. Je tiens ici à renouveler toutes mes excuses les plus sincères car ils ne reflètent pas du tout ma pensée. Je mesure combien cette expression a été choquante et douloureuse pour de nombreuses personnes. Cet émoi me touche d’autant plus personnellement que ce propos est à contre-courant de ma détermination totale à lutter contre toutes les formes de discrimination. »
Pire, alors que plusieurs associations anti-homophobie ont annoncé mercredi avoir déposé plainte à Paris contre Caroline Cayeux, le ministre a indiqué leur avoir « écrit un courrier d’excuses ».
En guise de conclusion de toute cette farce Grand Guignol, c’est le Premier ministre Borne qui clôtura le bal avec ces quelques mots : « Caroline Cayeux a tenu il y a plusieurs années des propos qui étaient naturellement choquants. Quand elle a voulu s’en expliquer, elle a manifestement tenu des propos maladroits. Je pense qu’elle a eu l’occasion de s’expliquer dans une interview pour présenter ses excuses aux personnes qui ont pu être choquées, pour réaffirmer qu’elle partageait totalement les valeurs progressistes que porte le Président, que je porte et que porte mon gouvernement, et qu’elle sera très vigilante à l’avenir au soutien qui peut être apporté à toutes les associations qui luttent contre les discriminations, et notamment contre l’homophobie. »
Ite, missa est !