Exposé de la situation
Côté pouvoir législatif, d’abord. Les élections législatives des 30 juin et 7 juillet ont donné une Assemblée nationale qui est susceptible des deux configurations habituelles en France, compte tenu du mode de scrutin pour l’élection des députés : centre fort ou polarisation droite-gauche.
Centre fort. On conserve le schéma tripartite en vigueur depuis 2017, LFI d’un côté, le RN de l’autre, et un centre majoritaire recomposé de ce qui reste du macronisme, renforcé d’encore un peu plus des débris venus des partis qui dominaient avant 2017,
Droite-gauche. On bascule dans une configuration bipartite avec une extrême gauche marginalisée, un centre qui se scinde entre droite et gauche et, alors, une majorité de gauche, face à une droite en recomposition.
Quand le centre est fort, il a besoin que les deux extrêmes le soient aussi, tandis que la polarisation droite-gauche suppose un centre faible, fût-il arbitre, et des extrêmes réduits aux rôles d’épouvantails. Si la dynamique se confirme, on peut imaginer que la gauche va susciter 1) le retour de la droite, 2) l’effondrement de LFI et aussi 3) celui du RN.
Au soir du dimanche 9 juin, Emmanuel Macron décidait de dissoudre l’Assemblée nationale. Dès le samedi suivant, le 15, nous formalisions cette grille d’analyse et penchions pour cette seconde hypothèse nous formalisions cette grille d’analyse et penchions pour cette seconde hypothèse.
Le nouveau n’est pas là.
Côté pouvoir exécutif, ensuite. Les résultats des élections législatives sont tombés le 7 juillet. Au 26 juillet nous avons un gouvernement démissionnaire qui reste en fonction pour gérer les affaires courantes. Mieux, mardi dernier Emmanuel Macron a refusé de nommer Premier ministre le candidat au poste proposé par l’alliance NFP. Il a même dit qu’il ne nommerait pas de nouveau Premier ministre pendant les Jeux olympiques.
Voici du provisoire qui dure depuis une vingtaine de jours, et qui va durer encore.
Situation d’un président qui, comme il l’a rappelé lui-même, a toute sa légitimité, puisqu’il a été réélu en 2022 pour cinq ans. Il dispose donc d’un gouvernement qui n’aurait pas la confiance de l’Assemblée, mais qui est entièrement à sa botte, comme c’est le cas depuis 2017.
Analyse de la situation
Réfléchissons sur cette situation.
Est-ce que ce n’est pas exactement la configuration constitutionnelle qui répond au modèle du régime présidentiel incarné aux États-Unis ?
Dans le fond, pour provisoire et exceptionnelle qu’elle soit, la situation que nous vivons depuis le soir du 7 juillet a le mérite de montrer que la Constitution de la Ve République depuis la réforme du 6 novembre 1962 (élection du Président au suffrage universel), peut tanguer d’un type de régime à l’autre :
- Régime d’Assemblée. Quand l’Assemblée nationale dirige le gouvernement. Et alors, de deux choses l’une :
• si le Président a le soutien de cette Assemblée, il nomme qui il veut Premier ministre. Il a ensuite le choix, dans ce cas, entre a) se mêler de gouverner, en s’engageant plus ou moins dans l’exécutif, laissant plus ou moins de marge de manœuvre à son Premier ministre, ou b) régner sans gouverner : se retirer à l’Élysée.
• si le Président n’a pas le soutien de l’Assemblée, il nomme le Premier ministre, choisi par ceux qui dominent à l’Assemblée, et c’est une période de cohabitation. En ce cas il est contraint de se retirer à l’Élysée.
Nous avions cru entrer dans cette dernière situation. C’est peut-être celle qui suivra les JO, mais en attendant nous n’y sommes pas.
- Régime présidentiel. Le Président, chef de l’administration, choisit, nomme et dirige en tout cas son gouvernement.
• s’il a le soutien des parlementaires, il est libre de sa politique.
• s’il n’a pas le soutien des parlementaires, il doit faire avec. Mais il continue de gouverner. Le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) fait la loi et l’Assemblée vote le budget. La constitution donne au Président et au gouvernement un pouvoir réglementaire suffisant. Le gouvernement n’est même pas obligé de présenter des projets de loi.
Finalement, sous Sarkozy, nous étions déjà dans un régime de type présidentiel. Sarkozy, qui a réduit la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, était le vrai gouvernant, Fillon ressemblait plutôt à un vice- président. Puis il y a eu l’intermède Hollande, le président « normal ». Mais Macron a repris les choses où les avait laissées l’« Américain ».
Nous n’avons rien vu venir de tout cela en 2017 ni depuis. D’autant moins que le bipartisme était touché à mort. Mais désormais les choses sont claires. Notre Constitution est américaine.