Ces détenus communiquent en direct et avec le monde extérieur. L’équipe des Révélateurs de France Télévisions a visionné des centaines d’heures de vidéo et analysé près de 200 comptes TikTok appartenant à des prisonniers incarcérés. On les voit se filmer depuis leur cellule, avec des téléphones jetés par-dessus les murs d’enceinte des prisons, livrés par drone ou commandés en ligne, et indétectables aux portiques de sécurité. Au moins un tiers des établissements pénitenciers (sic FranceTV ! – NDLR) est concerné et toutes les régions sont touchées.
Avec leurs abonnés, ils partagent en temps réel leur quotidien de détenu devant leur smartphone, parfois pendant plusieurs heures. […]
Le téléphone portable est pourtant strictement interdit dans les prisons françaises, stipule le code pénitentiaire. […] Si les fouilles sont régulières pour les confisquer, les téléphones circulent en prison presque en toute impunité, parfois à la discrétion de surveillants qui préfèrent opter pour « la paix sociale ».
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Nous avons identifié et enregistré les « lives » de plus de 50 détenus, capturés depuis divers établissements pénitentiaires à travers le pays. Selon nos enregistrements, la durée de ces directs varie de quelques secondes à plus de six heures, sans interruption notable de l’administration pénitentiaire. Pourtant, dans de nombreux cas, les détenus se filment à visage découvert et laissent entrevoir de nombreux indices visuels permettant de localiser leurs prisons et donc de remonter leur trace.
Pendant ces longues heures de direct, les détenus profitent de toutes les fonctionnalités de TikTok, y compris l’une des plus lucratives : les « matchs ». Des défis en direct où les créateurs de contenus s’affrontent dans une compétition de dons. […]
Mais ce que nous découvrons va plus loin. Face au succès de ces lives, certains prisonniers sont démarchés par d’autres utilisateurs de TikTok, qui leur proposent des services pour améliorer leurs performances : « Bonjour, je pense que votre diffusion en direct a un grand potentiel. Je veux investir en vous, contactez-moi s’il vous plaît », « Vos vidéos sont géniales. Êtes-vous intéressé à collaborer ? Suivez-moi pour en savoir plus ».
Or, tous ces messages ont un point commun : ils sont postés par des comptes qui se présentent comme les représentants « d’agences de live ». Des agences hébergées par TikTok et qui fonctionnent comme des intermédiaires entre la plateforme et les vidéastes. Elles offrent aux tiktokeurs un accompagnement stratégique, avec notamment un accès privilégié aux statistiques des lives.
Le manque d’indications sur l’identité des profils peut faire que certains démarcheurs ignorent la situation carcérale de leurs cibles. Néanmoins, il arrive que des représentants soient pleinement conscients de l’incarcération de leurs interlocuteurs. Un live du 22 octobre nous le confirme. Trois détenus échangent avec une femme se présentant comme agente. Elle cherche sans détour à recruter les trois détenus avec qui elle est en direct. « J’ai déjà vu vos matchs, vous faites des gages, vous rigolez, et ça attire des personnes, c’est bien », leur explique-t-elle. « Vous êtes enfermés et ça fait du boulot. »
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